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réputations bruyantes et surfaites. Reste seulement à savoir, une fois ces prémisses posées, ce que vaut cette apologie, et jusqu’à quel point le héros mérite les honneurs du Panthéon. C’est ce que je voudrais rechercher en étudiant Dubois-Crancé sous les aspects et dans les divers rôles par où il appartient vraiment à l’histoire : comme homme, c’est-à-dire comme valeur morale, comme législateur, comme représentant en mission et comme ministre.


I

Ce qu’a été Dubois-Crancé, comme homme, au point vue du caractère et de la valeur morale, sa biographie nous l’apprendra.

Né le 17 octobre 1745, à Charleville, de parens nobles et riches, Dubois de Crancé devait beaucoup à la monarchie. Son grand-père, Germain Dubois, écuyer, seigneur de Crancé, de Chantereine, de Livry et des Loges, avait acquis pendant la guerre de la succession d’Espagne, en 1707, l’office de commissaire des guerres et s’y était enrichi.

Son père Germain, deuxième du nom, avait continué le métier et de plus épousé, en 1723, l’une des jeunes personnes les mieux apparentées et dotées de Châlons, Henriette Fagnier de Mardeuil, fille du procureur-général des finances de Champagne. Il passait pour un des meilleurs vitriers de l’armée et était fort bien en cour. En 1757, le roi, pour le récompenser de ses services, l’avait nommé à la charge enviée d’intendant de police et finances de l’armée de Richelieu. Lorsqu’il prit sa retraite, en 1760, le maréchal de Belle-Isle lui écrivit : « Sa Majesté a bien voulu, en considération de l’ancienneté et de la distinction des services que vous lui avez rendus, tant en qualité d’ordonnateur qu’en celle d’intendant de ses armées, vous accorder 6,000 francs de pension annuelle sur l’extraordinaire des guerres, à commencer de ce jour, dont 1,200 livres réversibles, après vous, à votre fils aîné, capitaine de cavalerie au régiment Dauphin, moyennant quoi vous serez payé jusqu’à fin d’octobre de vos appointemens sur le pied de 800 livres par mois.

« Quant à votre second fils, que vous destinez à accomplir votre charge de commissaire des guerres, qu’il exerce actuellement à l’armée, vous pouvez être assuré qu’en continuant, comme il a fait jusqu’à présent, de suivre les leçons et les bons exemples que vous lui avez donnés, il sera conservé, à la paix, dans votre département, le plus à portée de vous qu’il sera possible de lui procurer. »

Les oncles de Dubois-Crancé n’avaient pas été moins bien traités. L’un, Claude, avait été longtemps capitaine au régiment du