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Il aurait fallu au gouvernement prussien une forte volonté que tout son passé ne permettait pas de lui prêter, pour opposer son veto à la fusion du Reichstag et du parlement douanier économique, si un jour, sous l'influence irrésistible des passions nationales, ils se laissaient entraîner à briser la barrière qui les séparait. Ce n'était certes pas sur M. de Bismarck qu'il était permis de compter pour y mettre obstacle. N’avait-il pas dit que, si la volonté souveraine du peuple allemand protestait jamais contre les restrictions imposées à ses aspirations, il ne réagirait pas contre les vœux de l'Allemagne, il ne subordonnerait pas à des craintes mesquines, à des considérations extérieures la grandeur de la Prusse, le but constant de sa vie ?

Notre diplomatie s'efforçait de concilier le langage officiel du ministre prussien avec ses actes et ses propos sans y réussir; elle ne se bornait pas à suivre, au jour le jour, les manifestations de sa politique, elle s'appliquait aussi à en dégager la moralité et à démontrer au gouvernement de l'empereur l'urgence de sortir des équivoques. Elle lui exposait librement les craintes que lui suggérait l'avenir. Elle s'arrêtait à toutes les combinaisons pour lui permettre de mûrir ses résolutions et de remettre à flot sa politique désemparée. C'est ainsi qu'elle appelait l'attention du ministre des affaires étrangères sur l'éventualité d'un changement de règne en Prusse qu'on escomptait alors prématurément. Elle pensait que l'avènement au trône du prince royal, qu'on savait en désaccord avec le comte de Bismarck et dont on connaissait les attaches avec les chefs du parti constitutionnel, pourrait bien exercer sur les destinées de l'Allemagne une influence pacifique. Elle recommandait au gouvernement de ne pas contrarier les tendances parlementaires qui s'accentuaient au-delà du Rhin, par des ingérences intempestives dans les affaires allemandes ; elle estimait que l'inauguration d'une politique libérale en France exercerait une influence considérable sur la transformation de l'Allemagne; elle était convaincue que, si les réformes annoncées par l'empereur, dans son programme du 19 janvier, avaient pu être appliquées plus rapidement, M. de Bismarck n'eût pas réuni un parlement aussi docile et obtenu une constitution aussi autoritaire[1].

Si le gouvernement impérial, absorbé de plus en plus par les difficultés intérieures, ne tenait pas toujours compte des avis qui lui parvenaient de l'étranger, du moins, c'est une justice à lui rendre,

  1. Le Comte de Paris, préoccupé des rapports de la France et de la Prusse, développait, au mois d'août 1867, des considérations analogues dans une étude qui parut ici même. L’article eut du retentissement en Europe, et nos agens ne manquèrent pas d'appeler l'attention du gouvernement de l'empereur sur les appréciations qu'il soulevait dans la diplomatie et dans la presse étrangère.