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désespérer de pouvoir s’élever dans l’est : il annonça publiquement qu’il allait continuer ses efforts pendant toute la durée de la lune. Si la lune nouvelle n’amenait pas un changement favorable dans le temps, il considérerait la campagne comme terminée et ferait route pour l’Ile-de-France.

« Le commandant était alors malade et très fatigué. Il crachait le sang ; le dégoût commençait à s’emparer de lui. Il n’attendit même pas l’époque qu’il avait fixée pour renoncer à la continuation du voyage. Un soir, à neuf heures, le 7 juillet 1803, il parut sur le pont et donna l’ordre à l’officier de quart de mettre le cap à l’ouest, en d’autres termes, de faire route pour l’Ile-de-France. En un instant, la nouvelle se répand dans tout le navire. La moitié de l’équipage était couchée : elle se lève et accourt dans un transport de joie. On se félicitait, on s’embrassait. La nuit se passa dans les danses et les chants ; personne n’eut l’idée d’aller se livrer au sommeil. Le 7 août, nous arrivâmes à l’Ile-de-France. Peu de jours après, l’état de notre commandant s’aggrava et nous le perdîmes. Il avait montré une très grande force d’âme dans ses derniers jours.

« Le 16 mai 1803, la guerre éclata de nouveau entre l’Angleterre et la France : le 16 décembre, nous mimes à la voile pour opérer notre retour dans les mers d’Europe. La traversée fut heureuse : nous touchâmes à Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, et, le 25 mars 1804, après trois ans et cinq mois de campagne, nous entrâmes à Lorient. Les énormes collections d’histoire naturelle et les animaux vivans que nous rapportions furent sur-le-champ expédiés à Paris. Ma mère habitait Dunkerque : j’obtins un congé pour aller la voir. En passant par Paris, j’y trouvai mon brevet d’enseigne. Les congés passent vite : à l’expiration du mien, je fus envoyé à Brest, où se trouvait rassemblée une escadre de vingt et un vaisseaux, sous le commandement du vice-amiral Ganteaume. Je désirais beaucoup en faire partie, car c’est toujours dans les escadres nombreuses que s’acquiert l’instruction sans laquelle il n’est pas de véritable officier de guerre. Je fus donc très désappointé lorsque, le lendemain même de mon arrivée à Brest, je fus nommé au commandement de la canonnière no 97. Le général Caffarelli, préfet maritime, crut me faire grand plaisir en m’assignant cet emploi : je n’avais pas vingt ans. La faveur était ambitionnée par beaucoup d’officiers ; elle ne fut pour moi qu’une déception. »


III

Les souvenirs de jeunesse sont toujours les plus vifs : l’amiral Baudin s’y attarderait peut-être, prenons un instant sa place et résumons en quelques lignes son séjour sur la rade de Brest. Au