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de bruit, ils se préoccupaient moins de l’intérêt de notre politique que de leur tirage.

La circulaire de la chancellerie fédérale, rehaussée par d’irritantes polémiques, eut un fâcheux retentissement en France, c’était à prévoir ; elle était loin de répondre aux assurances que le ministre du roi Guillaume nous avait données, à Paris, d’éviter tout ce qui pourrait exciter nos légitimes susceptibilités ; elle mettait la longanimité du gouvernement de l’empereur derechef à une pénible épreuve ; elle fournissait de nouveaux argumens aux adversaires de sa politique. Elle ne blessa pas moins les souverains du Midi ; son opportunité leur parut discutable. La Bavière et le Wurtemberg firent des observations au sujet de cette mise en demeure déguisée, insolite d’entrer dans la Confédération du Nord ; elles n’en étaient pas encore arrivées, comme le grand-duché de Bade, à vouloir abdiquer ce qui leur restait d’autonomie entre les mains de la Prusse. On savait fort bien à Berlin que les gouvernemens, voulussent-ils se prêter au sacrifice de leur indépendance, ne seraient pas suivis par les populations. Il était donc peu charitable au comte de Bismarck, alors qu’il se retranchait lui-même derrière le traité de Prague pour éviter des complications européennes, d’augmenter la somme des difficultés qui pesaient sur les cabinets du Midi en les rendant en quelque sorte responsables devant l’opinion allemande du retard forcé que subissait l’œuvre de l’unification. Mais ces considérations ne pouvaient l’arrêter ; il lui importait d’affirmer le sentiment national, qu’il avait l’ambition de personnifier et qui, au jour des épreuves, serait entre ses mains une arme puissante pour briser les résistances particularistes et entraîner l’Allemagne entière à sa suite. La circulaire du 7 septembre, personne ne s’y méprenait, était un acte révolutionnaire, une concession faite aux nationaux, un avertissement donné aux gouvernemens récalcitrans. On les sommait de hâter la ratification des traités d’alliance par leurs chambres et de procéder énergiquement à leur réorganisation militaire. On ne leur cachait pas « que le gouvernement du roi veillerait avec une résolution énergique au maintien des alliances et à l’exécution des conventions qu’ils avaient signées avec la Prusse. »

Le chancelier se souciait peu de l’assimilation politique de la Bavière et du Wurtemberg ; elle ne pouvait qu’ajouter à ses embarras. Mais il tenait à s’assurer à tout prix, au cas d’une guerre qu’il ne cessait de prévoir, l’assistance en tout état de cause des contingens méridionaux. Il sentait à quel péril serait exposée la Prusse si, à l’heure des combats, elle devait rencontrer la moindre défaillance à Stuttgart et à Munich. Il s’agissait d’un appoint de 150,000 hommes,