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manifestations officielles et qui se trouve reproduit dans le dernier discours du roi ? On ne saurait l'admettre après tout ce que nous avons vu s'accomplir dans ces derniers mois. Il est des tendances qu'un gouvernement ne peut ouvertement contrarier.

« Si tel est l'état des choses, il convient d'examiner, je crois, ce que serait l'Allemagne constituée librement au gré de ses gouvernemens et de ses populations, sous le contrôle de l'Europe, et ce que serait l'Allemagne à la suite d'une guerre heureuse. Dans la première hypothèse, la France n'aurait en face d'elle qu'une confédération plus centralisée, il est vrai, politiquement et militairement et par conséquent plus dangereuse que l'ancienne Confédération germanique. Mais cette Confédération serait en somme composée des mêmes élémens, c'est-à-dire de princes et d'états jaloux de leur autonomie et qui, bien que maintenus par la loi du plus fort, ne continueraient pas moins d'être un embarras et une cause d'affaiblissement pour le pouvoir central. Ce serait d'ailleurs rendre à la Prusse un mauvais service que de la mettre dans la nécessité d'admettre dans son parlement, qui déjà lui cause tant de tracas, les ultramontains bavarois et les radicaux wurtembergeois. J'ajouterai, que la répugnance des provinces annexées pour le régime prussien, l'hostilité secrète du Midi pour le Nord, habilement entretenues par la diplomatie autrichienne, seraient un obstacle pendant de longues années à une assimilation compacte et homogène des élémens germaniques.

« Bien différente serait une Allemagne sortie d'une guerre heureuse sans notre assentiment, à la suite de nos défaites. Les résistances autonomes et les agitations libérales, dont nous aurions pu avec des alliances efficaces et avec une situation militaire irréprochable tirer parti, seraient brisées sans retour. Ce serait l'unification et la centralisation appuyées sur un million de baïonnettes, ce serait l'avènement définitif de l'empire germanique.

« Poser les questions ainsi, et elles ne sauraient l'être différemment, c'est reconnaître le péril de la situation et c'est reconnaître aussi la nécessité d'y parer résolument, soit par une initiative conforme aux principes de notre politique, soit par la guerre, avec de solides alliances toutefois, et une armée assez nombreuse pour pouvoir engager la lutte contre toutes les forces réunies de l'Allemagne. »

Il n’est pas téméraire d'affirmer que si ce programme, contraire assurément à nos vieilles traditions, mais conforme à la politique impériale, avait prévalu, les événemens qui nous ont été si funestes eussent suivi un cours bien différent. Déjà, au mois de novembre 1866, après la révélation si inopinée des traités d'alliance secrets