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du parlement du Nord et les déclarations solennelles qui, jusqu'à la signature du traité de Londres, étaient parties de Berlin. Mais c'était un compte que M. de Bismarck était homme à régler avec l'opinion publique allemande, et particulièrement avec les libéraux, qui se voyaient mystifiés, après avoir voté, au mépris de leurs principes, une constitution autoritaire pour permettre au gouvernement de défendre l'honneur et les intérêts de l'Allemagne qu'on leur disait engagés dans la question du Luxembourg.

« J'enregistre avec satisfaction, écrivait-on à notre ministre des affaires étrangères, que tous les actes du cabinet de Berlin témoignent pour l'heure d'un désir manifeste de renouer avec le gouvernement de l'empereur les relations les plus confiantes. Ces dispositions paraissent d'autant plus sincères qu'on nous sait matériellement et moralement plus forts, et que la politique qu'on poursuivait dans le Midi rencontre dans le sentiment populaire une résistance de plus en plus sérieuse. Tout semble donc convier le cabinet de Berlin à calmer nos méfiances, à effacer des impressions fâcheuses et aussi à gagner du temps. C'est vers ce but que vont converger les efforts de sa diplomatie et c'est le résultat que le roi attend de son voyage à Paris. — Malheureusement, il ne nous est plus possible aujourd'hui de céder à des illusions. La Prusse a éveillé nos défiances, elle nous condamne à donner à nos armemens une impulsion que rien ne saurait plus ralentir désormais. Elle ne retrouvera plus jamais, il est permis de l'admettre, une France sans alliés, uniquement préoccupée des œuvres de la paix. Les procédés courtois vont succéder maintenant aux menaces. Mais les visites royales et les propos du comte de Bismarck ne sauraient plus nous faire oublier, après de récentes épreuves, le danger permanent dont nous sommes menacés, depuis que le roi Guillaume peut, en vertu de sa réorganisation militaire, avec des approvisionnemens toujours au grand complet et ses nombreux moyens de transport, combinés dans une pensée stratégique, jeter sur nos frontières, en neuf jours de temps, montre en main, à l'heure voulue, 250,000 hommes effectifs, sans devoir attendre tous les effets de la mobilisation, qui, quelques jours après, ajoutera à cette avant-garde formidable pour le moins 600,000 combattans. »

Ces réflexions étaient chagrines après le succès de la conférence de Londres, à une heure d'allégresse générale, mais elles s'imposaient d'autant plus à notre politique que le parti militaire prussien ne cachait pas le mécontentement que lui causaient les concessions faites par le roi à la paix. Il voulait la guerre, il la tenait pour inévitable, et il regrettait amèrement que la lutte qu'il avait poursuivie au mois d'avril dans des conditions exceptionnelles de succès eût été ajournée et abandonnée aux convenances de la France. Une