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sa fiile ou de l’héritier qui est encore à naître. Cette cérémonie a été en définitive ce qu’elle pouvait être, une cérémonie de deuil, accompagnée des manifestations royalistes des deux assemblées. C’était là le premier objet de la réunion des cortès espagnoles, et peut-être aurait il mieux valu que pour le moment on s’en tînt là ; mais il était peu croyable que des chambres se trouveraient réunies et qu’elles ne seraient pas tentées d’ouvrir des discussions, soit sur les circonstances de la mort du roi, soit sur le changement de ministère, sur l’avènement d’un cabinet libéral à la place du cabinet conservateur, soit enfin sur cette affaire des Carolines dont la solution ne laisse pas de préoccuper l’opinion au-delà des Pyrénées. Une discussion délicate surtout n’a pas tardé à s’élever. Pourquoi M. Canovas del Castillo a-t-il quitté le pouvoir au lendemain de la mort du roi ? M. Romero Robledo, qui a été ministre de l’intérieur dans le dernier cabinet et qui s’est séparé il y a quelques mois de ses collègues, a presque accusé son ancien chef d’une sorte de défaillance, d’une désertion des intérêts conservateurs. Malheureusement ce qui prouve le mieux que M. Canovas del Castillo a sagement agi, c’est cette discussion même quia mis à nu les divisions du parti conservateur, les sentimens d’hostilité que nourrissait M. Romero Robledo. Dès lors, M. Canovas del Castillo obéissait à la plus stricte prudence en conseillant à la reine régente d’appeler un cabinet libéral, un cabinet de trêve monarchique auquel il prêterait lui-même son appui. De telles discussions, à l’heure présente, ne pouvaient évidemment qu’être périlleuses, et le chef du ministère, M. Sagasta, a cru plus prudent de les clore par la suspension des cortès, en attendant les élections, auxquelles il a promis d’avance toute liberté. La situation de l’Espagne, pour le moment, n’a encore rien de grave sans doute. Le gouvernement a cependant besoin de toutes ses forces, de toute sa vigilance, et rien ne le prouve mieux qu’une tentative semi-républicaine, semi-militaire qui vient de se produire à Carthagène. Ce n’est qu’une échauffourée, c’est cependant le signe d’une situation où ce n’est pas trop de l’alliance de toutes les forces libérales et monarchiques pour tenir tête aux séditions toujours menaçantes.


CH. DE MAZADE.