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REVUE DRAMATIQUE

Gymnase : Sapho, pièce en cinq actes, tirée du roman de M. Alphonse Daudet, par MM. Alphonse Daudet et Adolphe Belot. — Porte Saint-Martin : Marion Delorme. — Comédie-Française : Socrate et sa Femme, comédie en un acte, en vers, de M. Th. de Banville.


Oui, je l’entends bien, on fait la critique de Sapho, dans les salons, comme jadis la critique de l’École des femmes: la pudeur mondaine a ses doléances qui, à travers les siècles, ne changent guère. Avalât l'épreuve, elle s’inquiète; ensuite, elle n’a garde de se rassurer. « Je viens de voir, pour mes péchés, cette méchante rapsodie... Je suis encore en défaillance du mal de cœur que cela m’a donné:.. » ainsi gémissent les Climènes du jour. Sans doute, il se trouve encore d'honnêtes femmes pour leur répondre : « Je ne sais pas de quel tempérament nous sommes, ma cousine et moi; nous fûmes avant-hier à la même pièce, et nous en revînmes toutes deux saines et gaillardes. » Mais ce peu de délicatesse les étonne toujours : « Peut-on, ayant de la vertu, trouver de l’agrément dans une pièce qui tient sans cesse la pudeur en alarme et salit à tout moment l’imagination?.. Croyez-moi, ma chère, corrigez de bonne foi votre jugement, et pour votre honneur n’allez point dire par le monde que cette comédie vous ait plu. « Il se peut, d’ailleurs, que, parmi ces dégoûtées, beaucoup le soient tout de bon, sinon par innocence, du moins par satiété d’esprit : les innocentes, à qui la seule vue d’une telle héroïne cause une surprise et une douleur, sont rares, j’imagine, dans la salle du Gymnase: mais beaucoup de personnes, même instruites des misères et des hontes humaines, peuvent soutenir, justement, qu'elles en sont assez instruites; que le spectacle du vice, à la longue, est aussi monotone