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Elles ne sont pourtant ni le côté le plus méritoire ni le gage d’avenir le plus assuré d’une civilisation naissante. Les choses de l’esprit occupent une place d’honneur dans le vaste programme du docteur Rocha. Ce n’est pas sans un sentiment de sympathie et d’émotion que l'on voit figurer parmi les premiers établissemens d’une ville embryonnaire un observatoire, un musée d’anthropologie et de paléontologie, une bibliothèque. Il n’y avait pas à songer à établir des facultés d’enseignement supérieur : Buenos-Ayres est trop près, et celles que la province y avait fortement organisées passaient aux mains de la nation. On n’en a pas moins résolu d’éclairer ce centre de politique et de trafic par un rayon de science.

L'observatoire a été confié à un officier distingué de la marine française, dont le nom est bien connu des astronomes, M. François Beuf, ancien directeur de l’observatoire de Toulon. Faire retentir le nom de La Plata dans un autre monde que celui du commerce, lui donner la consécration qui s’attache aux découvertes scientifiques, c'est une noble ambition. M. Beuf est déjà attelé à une grande et laborieuse série d’observations et de calculs sur les phases de la lune. Le premier mémoire qu'il publiera sur ce sujet sera comme la lettre de faire part, adressée aux savans de l’univers, de l’existence de l’observatoire nouveau. A côté de ces recherches purement théoriques, l’établissement a d’ailleurs une destination pratique. Un service météorologique y a été installé. Le voisinage du port, le développement de l’agriculture, l’intérêt croissant que prennent les questions de climatologie, lui donnent une réelle importance. Le directeur est, en outre, chargé de déterminer, avec la rigueur des méthodes astronomiques, la situation de cinquante points de la province. Ils formeront le canevas d’une grande opération géodésique pour en lever la carte et en établir le cadastre, qui n’a encore été tracé que d’après les procédés sommaires des arpenteurs. Un des desseins favoris de M. Beuf, c’est de former autour de lui une pépinière de jeunes astronomes. À ce point de vue, l’observatoire de La Plata rendra au pays un service que n’a pas su lui rendre l’observatoire national de Cordoba, dirigé par des savans nord-américains, du reste d’un grand mérite. Ils ont mené à bien des travaux distingués et utiles, mais n’ont pas du tout contribué à répandre parmi la jeunesse studieuse le goût de cette branche si élevée des connaissances humaines. Qu'il soit permis de constater ici que c’est à l’ardeur communicative et à la bonne volonté persévérante d’un missionnaire de la science française que ce résultat a été dû. M. Beuf aura attaché son nom dans la république argentine à la réorganisation de l’école navale et à la diffusion des études astronomiques.

L'anthropologie et la paléontologie devaient fleurir dans La Plata. Elles s’y sont développées spontanément. Ces plaines infinies, dont