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était la subordination de l’église au pouvoir civil. Leurs luttes séculaires avec la cour de Rome, leurs goûts de clergé national et soumis au roi, avaient constitué un tempérament absolument rebelle à la conception d’une église libre dans l’état. C’est une erreur profonde que de croire qu'il y ait eu alors un moment où la question de la séparation de l’état et de l’église pût être portée avec succès devant l’opinion publique. Même quand la révolution avait tout brisé, quand le scepticisme avait tout remis en question, à l’époque où Bonaparte négociait le concordat, la bourgeoisie, en majorité, n'eût pas compris qu'on laissât l’église libre. C’était une de ces idées que ses vieux jurisconsultes lui avaient appris à dédaigner.

Vis-à-vis des personnes qui formaient l’ordre du cierge, vis-à-vis de la propriété ecclésiastique, elle ne voulut que l’application des principes de l’ancienne monarchie. Tout en reconnaissant que le catholicisme était la religion dominante, elle déclarait que chaque citoyen était libre dans son culte, et répudiait une religion d’état. Tout en maintenant les prêtres, elle détruisait l’ordre du clergé. Le principe de l’individualité qui lui faisait briser toute corporation, elle l’introduisait dans la société ecclésiastique; et, comme première conséquence, elle sécularisait le mariage.

Depuis le concile de Trente et l’ordonnance de Blois de 1579, l'acte civil avait été absorbé par le sacrement. Sans interdire la bénédiction nuptiale, sans même nier la dignité du mariage chrétien, les bourgeois de la constituante ne considérèrent le mariage que comme un contrat civil et renvoyèrent au pouvoir législatif la création du mode de constatation des naissances, mariages et décès, et la désignation des officiers publics qui en recevraient les actes. La société française fut sécularisée.

Les témoignages les moins suspects indiquent cependant que le clergé paroissial, particulièrement les curés de Paris et des grandes villes, sortis en grande partie de familles bourgeoises, étaient entourés de considération et la méritaient. Les antipathies et les critiques étaient réservées contre les abbés pourvus de bénéfices. Le tempérament ironique de la nation s’adressait surtout aux moines et aux femmes appartenant aux communautés religieuses. Les vocations pieuses étaient en effet devenues rares. La verve gauloise ne tarissait pas quand il s’agissait des couvens et de la mendicité monacale. Un ordre de femmes était pourtant excepté, celui des religieuses hospitalières. Les congrégations enseignantes d’hommes étaient même respectées, parce qu'elles étaient entrées dans le mouvement des idées. La bourgeoisie permit à la révolution d’entrer dans le cloître. Avec son esprit logique et de réaction laïque, elle distingua justement entre les liens de la foi et ceux de la loi civile ; elle refusa de mettre