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Voici, du reste, le tableau qu'une correspondance d’Allemagne, adressée au ministère des affaires étrangères, traçait au lendemain de la guerre : « Les gouvernemens du Midi présentent, pour l’heure, le spectacle le plus attristant. On pourrait leur appliquer le mot de Tacite : Ruere in servitutem. Tout les porte à se jeter dans les bras de la Prusse : leurs intérêts économiques menacés, la peur de la révolution et la crainte que leur ont laissée nos demandes de compensations territoriales.

« Le Wurtemberg, à en juger par les débats de son parlement, paraît particulièrement soucieux de son autonomie. Mais le parti démocratique y grandit chaque jour, ses idées pénètrent jusque dans les rangs de l’armée, et la cour, préoccupée de la révolution, au lieu de s’associer aux sentimens des masses et de lutter pour le maintien de ses prérogatives, se montre disposée, pour l'heure, à resserrer plutôt qu'à détendre les liens qu'elle a contractés à Berlin. C’est d’ailleurs à Pétersbourg que le roi et la reine Olga puisent leurs inspirations, et ce n’est pas le prince Gortchakof[1] qui les détournera de leurs tendances prussiennes, au moment où les relations entre l’empereur Alexandre et le roi Guillaume paraissent empreintes de tant de cordialité.

« La situation de la Bavière ne diffère guère de celle du Wurtemberg. C’est le même désarroi, plus marqué encore avec un souverain qui sacrifie au culte de l’art les devoirs de sa couronne. Ce sont les mêmes perplexités chez les hommes politiques, les mêmes tiraillemens, avec cette différence, toutefois, que le mouvement

  1. Le prince Gortchakof, à son retour de Paris, s’était arrêté à Stuttgart. Loin d'encourager la cour dans ses résistances aux empiétemens de la Prusse, il lui donnait le conseil de s’en accommoder. « La Prusse, disait-il, ne nous a donné que des satisfactions, elle a été d’une correction irréprochable dans la question polonaise, et jamais elle ne suscitera d’ennuis à notre politique. »