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la Roumélie n’a encore ni dette, ni grande armée permanente, ces deux occasions de dépenses sans limites, l’une menant à l’autre.

« Nous n’avons pu encore modifier l’ancien système d’impôt, me dit M. Guéchof, parce que, dans notre situation précaire, nous évitons tout ce qui peut amener une perturbation quelconque. Cependant, la dîme a été convertie en un impôt foncier en argent, calculé par commune, d’après le produit des dix dernières années, avec une réduction de 10 pour 100. Malheureusement, par suite de quatre mauvaises récoltes successives et du bas prix des grains, cette conversion a paru très dure et le produit sera, croit-on, inférieur d’un quart à l’estimation, qui était de 32 millions de piastres. En Bulgarie, où l’on a adopté le même système de conversion de la dîme en argent, on a pris la moyenne des trois années après la guerre, ce qui a eu pour effet de diminuer notablement le montant de l’impôt foncier. Les autres impôts directs sont une taxe sur les moutons : 10,279,000 piastres en 1883 ; sur les porcs : 322,000 piastres ; l’impôt sur le revenu : 3,580,284 piastres ; et sur les propriétés bâties, l,004,443 piastres. Les contributions indirectes : douanes, sel, tabac, spiritueux, timbres, donnent 18,244,992 piastres, chiffre qui étonne, tant il est minime. Tous les bureaux de douane n’ont produit que 315,410 francs ; ce n’est pas la peine d’en avoir.

L’accroissement des recettes à effectuer est très satisfaisant : elles s’élevaient, en 1879, à 53,645,528 piastres, et en 1884, à 72,087,111 piastres. La Roumélie doit payer à la Porte un tribut assez considérable, s’élevant aux trois dixièmes de ses revenus. La commission européenne avait fixé ce tribut à 240,000 livres turques à 22fr. 50 ; mais l’assemblée vient de le réduire à 180,000 livres, parce que le revenu net ne s’élève qu’à 600,000 livres turques. Le sultan a refusé de sanctionner la loi, et les bondholders ont protesté ; mais la Roumélie a invoqué l’article 16 du statut organique, qui lui donne raison. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de dette dont il fallût payer les intérêts ; aussi le total de ce que touche l’état ne s’élève qu’à 20 francs par tête. Un Français paie cinq fois plus. Toutefois, comme par suite de la situation précaire du pays, les impôts rentraient mal, il a fallu emprunter quelques millions à la Banque ottomane, ce qui a inquiété les esprits et contribué à la révolution récente.

— La Roumélie publie chaque année un annuaire de statistique, où je note quelques chiffres intéressans. Il y a dans le pays 160,555 contribuables, payant directement à l’état une capitation de 22 piastres, ou environ 5 francs par tête. Le nombre des communes est considérable : il est de 1,343 pour une population de 815,946 habitans, ce qui fait environ 600 habitans par commune. Les cinq