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enflammé les ambitions, les convoitises des Serbes, des Grecs, qui se sont mis aussitôt sous les armes, qui se sont préparés à profiter de cette nouvelle crise orientale, et la mêlée des prétentions a été complète. Ils ont voulu tous s’agrandir sous prétexte de sauvegarder l’équilibre des Balkans et le traité de Berlin violé par les Bulgares ! Vainement la diplomatie, un peu surprise, a témoigné quelque velléité de s'interposer : elle a pris le meilleur moyen pour n’être pas écoutée; elle ne s’est réunie à Constantinople que pour se diviser, pour attester son impuissance en immobilisant la Turquie, qui était la première intéressée, sans trouver elle-même une solution. Pendant ce temps, les événemens se sont précipités, la guerre s’est ouverte entre ces peuples des Balkans dévorés de tristes jalousies. Le roi Milan de Serbie, plus présomptueux que clairvoyant, s’est jeté avec son armée en Bulgarie, croyant ni plus ni moins aller droit sur Sofia. Le jeune chef de la révolution bulgare, le prince Alexandre de Battenberg, opposant une défense sur laquelle on ne comptait peut-être pas, a tenu vaillamment et victorieusement tête au danger; il a répondu à l’invasion de la Bulgarie par l’invasion de la Serbie avec ses propres forces, et, animé par le succès, il a suivi son ennemi, l’épée dans les reins, jusqu'à la petite ville de Pirot, où il est entré en vainqueur. Cette courte campagne, en irritant les Serbes vaincus, en gonflant un peu l'orgueil bulgare, a compliqué tout à coup la situation, et, un instant, on a pu croire que cette guerre allait se prolonger, peut-être s’étendre et s’aggraver par des interventions inattendues, par les rivalités inévitables des grands états intéressés à tout ce qui se passe en Orient. Heureusement, depuis quelques jours, une éclaircie semble être survenue fort à propos. La diplomatie, qui avait jusqu'ici laissé passer les événemens, s’est remise à l’œuvre, et une commission des attachés militaires des grandes puissances a réussi à négocier entre Serbes et Bulgares un armistice dont la condition essentielle est la retraite des deux armées sur leur territoire respectif. Les Bulgares, comme sanction de leurs succès, ont seulement obtenu d’opérer les derniers leur mouvement; ils ont dû se retirer de Pirot deux jours après que les Serbes ont dû, de leur côté, quitter les environs de Widdin, qu'ils occupaient encore. c’est une trêve de trois mois qui ne peut évidemment dépendre de quelques incidens dans l’exécution de l’armistice et pendant laquelle la paix définitive pourra être négociée. Quelle sera maintenant cette paix que les puissances médiatrices se chargent de rétablir dans les Balkans? Voilà la question qui reste à résoudre pour ce commencement d’année ! elle n’est sûrement pas sans offrir de sérieuses difficultés et il y aurait peut-être quelque optimisme à croire que tous les dangers sont passés.

De quelque façon qu'on voie cette situation nouvelle, il est bien clair