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du conseil n’avait pas mis assez de retenue dans les dépenses publiques, présumant trop des ressources immédiates de la Grèce. A y réfléchir, cependant, on reconnaît que M. Trikoupis obéissait aux exigences de la situation. Était-il d’une bonne politique d'arrêter le pays dans le mouvement de progrès qui se manifestait si vivement ? Alors que l’initiative privée construisait des chemins de fer, l’état pouvait-il ne pas construire des routes ? La substitution de la perception en argent à la dîme n’était-elle pas une mesure qui s’imposait depuis longtemps ? Il en était de même de la levée du cours forcé, suppression qui a nécessité le dernier emprunt. Le cours forcé coûtait à la Grèce un agio de 10 à 15 pour 100 sur ses importations; c’est une perte nette de 15 à 16 millions par an, sans compter l’intérêt de 1 pour 100 payé par l’état aux banques nationales et l’agio qu'il devait subir dans le service de la dette à l’étranger. Or la somme à verser aux banques pour l'abolition du cours forcé n’était que de 72 millions. A les rembourser par un emprunt, l’état, il est vrai, se grevait d’une grosse dette nouvelle, mais il enrichissait le pays en le libérant de ce cours forcé qui coûtait 16 millions chaque année aux transactions internationales. On a surtout reproché à M. Trikoupis, qui, tout en voulant la paix voulait être prêt pour la guerre, les dépenses militaires et maritimes. Il semblait qu'on eût raison, mais les événemens sont venus donner raison à M. Trikoupis. Si, au mois de septembre, l’armée avait eu son effectif normal, dix jours après la révolution de Philippopoli, les Grecs seraient entrés presque sans coup férir à Janina, dont la garnison ne se montait pas à trois cent cinquante hommes. Combien les choses seraient aujourd'hui simplifiées !

Pour conclure, si l’état se trouvait cette année dans une situation financière critique, cette crise n’arrêtait pas les progrès du pays. Or, dans un pays qui s’enrichit, par la force des choses les finances doivent devenir bonnes. Dans l’étude du budget pour 1886, le nouveau ministère avait réduit les dépenses, fixé à 8,000 hommes l’effectif de l’armée, arrêté certains travaux ; il avait, d’autre part, évalué moins haut le chiffre des recettes. Grâce à l’administration sage et avisée de M. Delyannis, qui a rendu déjà tant de services à la Grèce, on pouvait espérer arriver, sinon cette année, du moins dans deux ou trois ans, à l’équilibre réel du budget, lorsque la révolution du 18 septembre a tout bouleversé. Quoi qu'il puisse advenir pour les Grecs des événemens d’Orient, quelque bénéfice ou quelque dommage que leur apporte la guerre, il est manifeste que la paix a été féconde en Grèce. Depuis vingt-cinq ans et surtout depuis cinq ans le pays s’est transformé. Les moins philhellènes