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et le Danemark, qu'elle dépasse de près de moitié pour le nombre et le tonnage total des navires. — Les industries du bâtiment ont été aussi très actives ces dernières années, car Athènes, dont la population est montée en cinq ans de 67,000 âmes à 85,000, couvre de maisons la plaine qui s’étend du côté de Patissia. d’autres villes s'accroissent dans des proportions analogues, Syra, Patras, Volo, Pyrgos, qui a plus de 30,000 âmes; d’autres sortent de terre, comme Laurium, où il y a maintenant 16,000 habitans.

Les campagnes ont marché du même pas que les villes. Comme l'industrie, l’agriculture est en progrès. De grandes propriétés ont été reconstituées, où l’on applique les méthodes usitées en France et en Amérique. Sur plusieurs points on a reboisé. l’étendue de la terre cultivée atteint aujourd'hui 2 millions d’hectares. La vigne, qui n'avait donné, en 1877, que pour 37,000,000 de francs de raisins, en a donné, en 1883, pour 60,000,000. Dans le même laps de temps, la production totale s’est élevée, de 3,500,000 oques à 4,100,000. Cette culture s’étendra encore, maintenant qu'une convention douanière a ouvert l’Egypte aux tabacs grecs, qui naguère n’y pouvaient pas pénétrer. — Du développement de l’industrie, du rendement plus grand de la terre, du bien-être croissant des individus, comme aussi de l’augmentation de la population, il est résulté que le mouvement des importations et exportations, qui, en 1877, était de 152,000,000 de francs, a atteint le chiffre de 246,000,000. Depuis vingt-cinq ans, il a presque quadruplé.

Athènes, pendant l’année 1883, a présenté un spectacle féerique. Les capitaux y affluaient. Affaires de banque, affaires de chemins de fer, affaires de mines, affaires d’immeubles, tout ce que l’on touchait devenait or. En quelques jours, les actions de la banque nationale montaient de 1,000 à 5,000 francs, celles de la banque hellénique de 300 à 425 francs, celles du chemin de fer du Pirée de 100 à 600 francs, celles des mines de Laurium de 70 à 225 francs. Des terrains du Lycabète, acquis la veille fr. 90 le mètre, se revendaient le lendemain 8 francs. Sur les maisons on faisait de pareils bénéfices. Il régnait une fièvre de spéculation analogue à celle qui prit Paris en 1881. Tout doublait de valeur; on dépensait aussi facilement que l’on gagnait. c’était à croire que le Pactole coulait dans le lit de l’Hissus.

Cette prospérité soudaine, cet accroissement véritablement miraculeux de la fortune publique dans un pays où l’or avait toujours été denrée rare entre tant d’autres, tenait à l’heureuse commotion qu'avait donnée l’annexion de la Thessalie, à la politique pacifique et aux réformes productives du ministère Trikoupis, enfin aux nouvelles ressources qui s’étaient développées sous cette double influence.