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temps il devient un personnage important avec lequel doivent compter les représentans de la couronne. C'est une belle carrière humanitaire et civilisatrice.

Le prêtre catholique qui se dévoue à l’apostolat suit une vocation. En quittant l’Europe, il sait que probablement il ne la reverra plus. Il se sépare à jamais de sa famille et de ses amis. Il réunit dans son âme deux élémens. C'est un ascète qui répudie les jouissances de ce monde, et c'est un explorateur qui a soif des vastes horizons de l’inconnu. Il arrive seul et pauvre. Il cherche les âmes qu'il espère gagner à la foi dans l’intérieur du pays qui lui est assigné comme sphère d’activité. Il s’adapte aux idées, autant que possible aux usages, à la nourriture des indigènes, s’habille quelquefois (en Chine) à la manière du pays, ne revient que passagèrement, et quand il le faut absolument, dans les contrées civilisées. Il y trouve l’atmosphère anglaise et protestante qui règne dans une grande partie du globe. ne Français, ou Italien, ou Allemand, ou Belge, rarement Anglais[1], il est et il reste étranger dans ce milieu. Il n’a rien à attendre des hommes et il n’en attend rien, si ce n’est la considération de ceux qui le voient à l’œuvre.

Mais, faisant ici abstraction du côté purement religieux de leur activité, l’un et l’autre, le missionnaire catholique comme le missionnaire protestant, sont des philanthropes dans la meilleure acception du mot. Ils servent, chacun à sa manière, la plus noble des causes. s’ils remplissent la tâche qu'ils se sont librement imposée, ils auront bien mérité de l’humanité.


28 (29) Juin. — Nous étions, le capitaine Bridge et moi, à notre dernier dîner, lorsqu'on vint annoncer la Cité de Sydney. La voilà en vue, montrant des signaux concertés à Sydney ; elle double West-Cape et s’arrête à un demi-mille de l’Espiègle. C'est la crise de ma navigation dans le Pacifique. Au carré des officiers, on avait souvent discuté la question de savoir si on réussirait à rencontrer le steamer américain, ce qui dépendait de l’état de l’atmosphère ; si on pourrait me transporter à son bord, ce qui dépendait de l’état de la mer. l’atmosphère était claire, mais la mer houleuse. Après de rapides adieux qui me furent pénibles, on nous mit dans la baleinière du capitaine, qui fut affalée avec les précautions voulues. C'était encore le premier lieutenant, M. Lowry, qui tenait le gouvernail.

  1. Je parle ici des missions et non du clergé diocésain, qui, dans les colonies anglaises, se compose presque exclusivement de prêtres irlandais.