Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’envoyé de l’empereur François-Joseph n’a pas sans doute absolument réussi à concilier les prétentions opposées des deux états-majors ennemis ; il a du moins gagné du temps, il a obtenu la prolongation d’un armistice de fait qui permet de reprendre des négociations plus directes, plus précises, et c’est là ce dont s’occupent les gouvernemens européens, surtout les trois empires, qui ont visiblement le premier rôle, qui semblent se concerter pour le maintien de la paix. Quel sera maintenant le dénoûment définitif de cet imbroglio des Balkans ? Il est certain que depuis quelques semaines tout a singulièrement changé. Les premiers succès du prince Alexandre ont modifié d’une façon sensible la situation. La Russie, elle-même, qui naguère encore se montrai ! si sévère pour le jeune prince, a changé tout à coup de langage. A l’heure qu’il est, tout indique que le jour où des négociations s’ouvriraient, le traité de Berlin serait revu et diminué, que l’union plus ou moins effective de la Bulgarie et de la Roumélie serait acceptée par l’Europe. Ce ne serait pas encore une solution, ce ne serait, si l’on veut, qu’une trêve de plus ; ce serait déjà beaucoup que la diplomatie réussit pour le moment à clore ce nouveau chapitre des agitations orientales.

Lorsque l’aristocratie anglaise, avec sa vieille courtoisie, a offert tout récemment un banquet d’adieu au comte Munster, qui a longtemps représenté l’Allemagne à Londres et qui vient comme ambassadeur à Paris, le premier ministre de la reine, lord Salisbury, a saisi cette occasion pour faire ses complimens à l’empereur Guillaume et à M. de Bismarck. Il s’est même assez longuement étendu sur les relations d’amitié entre les deux empires d’Allemagne et de la Grande-Bretagne, sur une alliance qui serait, a-t-il assuré, la meilleure garantie de la paix européenne. Lord Salisbury, depuis qu’il est au pouvoir, n’a certainement rien négligé pour se rapprocher de l’Allemagne, pour lier partie avec le cabinet de Berlin, et nul doute que, s’il reste au gouvernement, il ne mette tout son zèle à cultiver cette alliance dont il a parlé dans le banquet offert au comte Munster ; mais c’est là précisément la question. La politique anglaise ne se décide pas dans un toast, elle dépend tout entière aujourd’hui de ces élections qui viennent de s’accomplir au milieu d’une animation croissante et de péripéties toujours nouvelles. Les élections anglaises ne ressemblent pas aux élections des autres pays, qui se font le plus souvent en vingt-quatre heures ; elles se déroulent comme un vrai drame depuis trois semaines déjà, depuis le 23 novembre. Les bourgs, les districts urbains ont été les premiers à voter ; depuis quelques jours c’est le tour des comtés, des districts ruraux. Le scrutin ne sera complet et définitif que le 18, dès ce moment, cependant, à quelques voix près, on sait à quoi s’en tenir sur les élections du royaume-uni ; presque