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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 décembre.

Puisque la France, par le malheur des temps, se trouvait placée dans des conditions où les grandes choses ne lui étaient pas pour le moment permises, on pouvait, du moins, se proposer en son nom, pour son bien et pour son honneur, une politique de raison, de vigilance attentive et de patriotique sincérité. On aurait pu, à défaut de ce que les circonstances défendaient, faire encore des choses sérieuses et utiles, gouverner avec prévoyance, ménager les forces et les ressources publiques, éviter les dissensions meurtrières ou stériles, sauvegarder l’avenir en laissant intacts tous les ressorts de l’organisation française. On pouvait, on devait, en un mot, se dévouer sans mesure, sans vulgaires préoccupations de parti, à cette nation infortunée, mais toujours vivace, toujours généreuse, qui était digne d’être servie pour elle-même, qui ne méritait pas le mal qu’on lui a fait.

C’était un programme de patriotisme pratique que la nature des choses indiquait, et les circonstances n’ont même pas manqué pour en faciliter la réalisation. Les premières années qui ont suivi nos désastres ont bien prouvé que rien n’était impossible avec de la bonne volonté, de la résolution et une activité réparatrice. L’irréparable faute ou le malheur des républicains, depuis qu’ils ont conquis le pouvoir et qu’ils l’ont exercé sans partage, a été de ne comprendre ni cette situation ni le rôle qu’ils avaient à remplir. Ils semblent n’avoir vu dans le succès inespéré de leur cause que la possibilité de satisfaire leurs passions et leurs préjugés, de renouer des traditions surannées de violences révolutionnaires, de substituer une domination de parti à un régime d’équité et d’impartialité. Ils se sont accoutumés bien vite à croire que puisqu’ils avaient la majorité ils n’avaient plus à se gêner, qu’ils pouvaient en user librement avec les finances, avec la paix