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Longtemps il a paru impossible qu’un tel effet pût résulter de la seule action de l’air, d’autant plus qu’il se produit dans des régions où ce fluide, dans son état normal, est extrêmement raréfié. Mais le problème s’est éclairci depuis que les substances explosives, récemment mises en usage dans l’industrie, nous ont appris quel prodigieux degré de puissance atteint la force des gaz, même en petite quantité, lorsqu’ils sont subitement animés d’une tension considérable. Ainsi, un kilogramme de dynamite brise par son explosion des prismes d’acier, dont une pression d’un million de kilogrammes opérerait à peine la rupture. Or des conditions en tout semblables, un calcul assez simple peut le faire voir, se réalisent dans les couches supérieures de l’atmosphère, quelque faible que soit, leur densité, au moment où un bolide, animé de sa vitesse planétaire, vient les frapper : il comprime l’air avec une vitesse trop grande pour que ce gaz puisse dans le même temps transmettre un mouvement égal à ses propres molécules. C’est alors que, dans des détonations successives causées par une rotation obligée, les fers et les corps les plus tenaces éclatent et se fractionnent, comme sous le choc d’un marteau-pilon.

Outre la forme fragmentaire, il est à la surface des météorites un trait non moins caractéristique, qui reste aussi comme un témoin de la violence des actions mécaniques que le refoulement de l’air leur a fait éprouver. Ce sont des cavités arrondies, comparables à l’empreinte plus ou moins profonde que produit la pression du doigt sur une pâte molle ; sans se préoccuper de la différence complète dans lis causes, on les a désignées autrefois sous le nom de coups de pouce, en allemand fingerabdrücke. Parfois, en s’alignant, elles prennent la configuration d’encoches analogues à la bouche qui paraissait surnaturelle dans l’antique pierre de Pessinonte. Ces cavités se rencontrent dans les météorites pierreuses ; elles sont surtout caractérisées dans les fiers massifs. Ceux d’Agram et de Braunau, dont les chutes ont été mentionnées plus haut, aussi bien que ceux de Caille (Var), de Charcas et de San-Francisco-del-Mezquital (Mexique), que l’on voit dans la collection du Muséum au milieu de météorites provenant de plus de trois cents chutes, en offrent des exemples remarquables. Ces sortes d’excoriations ont été attribuées longtemps à ce que la météorite aurait éclaté çà et là, sous l’application de la chaleur brusque et intense qu’elle éprouve dans son trajet aérien. Mais des expériences de plusieurs sortes prouvent qu’il n’en est pas ainsi.

Au milieu de l’air qu’il a fortement comprimé et échauffé, le bolide se trouve dans les mêmes conditions que si, étant lui-même au repos, il était soumis au choc de gaz à très haute tension produits par l’explosion de la poudre ou de la dynamite. C’est en