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approche, sa dimension apparente s’accroît. Il décrit une trajectoire que son incandescence permet d’apercevoir au loin et qui, fait digne de remarque, est très faiblement inclinée à l’horizon. Ainsi, le bolide qui, le 14 mai 1864, vers huit heures du soir, accompagna une chute de météorites à Orgueil, dans le département de Tarn-et-Garonne, fut signalé à Gisors, c’est-à-dire à plus de 500 kilomètres de distance. D’après des observations qui ont pu être faites dans cette circonstance, en beaucoup de points et avec précision, à cause de la sérénité du ciel et de l’heure peu avancée de la nuit, le globe lumineux a été suivi, marchant de l’ouest vers l’est, à partir de Santander et d’autres localités des côtes d’Espagne jusqu’au point de la chute finale. La hauteur à laquelle commencent à luire les bolides d’où proviennent les météorites a pu être calculée dans plusieurs cas, au moyen de données simultanément recueillies en différens lieux. Elle e a été évaluée à 60 kilomètres et plus : elle correspond donc aux parties supérieures de notre atmosphère. Un autre caractère suffirait pour dénoter une provenance cosmique ; c’est leur excessive vitesse, qui surpasse tout ce que nous connaissons sur la terre : tandis qu’une locomotive parcourt 30 mètres à la seconde et un boulet de canon 500 mètres, le bolide en franchit 30,000 à 60,000. Une telle vitesse est tout à fait du même ordre que celle des planètes lancées dans leurs orbites.

Après un trajet plus ou moins long, le bolide éclate avec un bruit qui a été comparé à celui du tonnerre, du canon ou de la mousqueterie ; suivant la distance à laquelle se trouvaient les observateurs. Rarement la détonation est unique : il y en a deux, bien plus souvent trois. Parfois elles sont assez violentes pour secouer fortement les maisons, de manière à faire croire à un tremblement de terre, comme il est arrivé, le 12 février 1875, dans l’état de Iowa. Elles se font entendre sur une grande étendue de pays : celles d’Orgueil ont retenti sur plus de 360 kilomètres. Si l’on réfléchit que ces détonations prennent naissance à des hauteurs où l’air très raréfié se prête fort mal à la propagation du son, on sera convaincu qu’elles doivent être extrêmement violentes. Souvent on aperçoit une traînée de vapeurs dans les régions de l’atmosphère qu’a traversées le météore.

Tous ces phénomènes se manifestent, non-seulement dans les régions les plus diverses du globe, mais en toute saison, à toute heure, souvent par un temps serein et sans aucun nuage ; les orages et les trombes n’y ont donc aucune part. En outre, les bolides arrivent dans toutes les directions. La vitesse que nous observons n’étant que relative doit varier, suivant la manière dont leur trajectoire est orientée par rapport au sens du déplacement de la terre.