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dans les témoins oculaires, on n’avait généralement en la profonde conviction qu’elles arrivaient du ciel.

De leur côté, les antiques chroniques chinoises contiennent le souvenir et les dates de chutes analogues, auxquelles on attribuait une influence sur les événemens contemporains.

Parmi les apparitions du même genre qui, au moyen âge, attirèrent l’attention, je n’en mentionnerai qu’une, celle d’Ensisheim, en Alsace, « L’an 1492, le 7 novembre, dit une chronique du temps, entre onze heures et midi, il advint un grand coup de tonnerre et un long fracas qu’on entendit au loin, à Villingen, à Lucerne et autres lieux ; l’on crut que des maisons avaient été renversées. Au même moment, il tomba dans le bourg d’Ensisheim une pierre pesant 260 livres. L’empereur Maximilien, présent dans cette localité, permit d’en détacher deux fragmens : il garda l’un et envoya l’autre au duc Sigismond d’Autriche ; puis il la fit suspendre à la voûte de l’église par une chaîne de fer. » Aujourd’hui encore, elle est conservée dans la maison communale d’Ensisheim.

Malgré des témoignages nombreux et authentiques qui se succédèrent à bien des reprises pendant plus de vingt siècles, l’arrivée de corps célestes sur notre globe rencontrait encore, il y a cent ans, l’incrédulité des esprits les plus cultivés. A l’inverse de ce qui se produit d’ordinaire, le progrès même des connaissances fournissait des objections contre la vérité. L’explication la plus naturelle de ces faits étranges était de leur attribuer une origine extraterrestre ; mais une telle supposition semblait en contradiction avec les lois immuables qui président à la marche des corps célestes. En présence de cette admirable ordonnance, la plus majestueuse qu’il soit donné à l’homme de contempler, on ne pouvait croire à l’existence de phénomènes irréguliers. Était-il permis d’admettre des accidens brusques dans les orbites normales des astres, comparables à ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de déraillemens ; des perturbations s’annonçant tout à coup par un bruit formidable, au milieu des mouvemens silencieux d’un si merveilleux mécanisme ? Dans l’impossibilité de comprendre ces anomalies apparentes, on trouvait plus simple d’en nier la réalité. Cependant que l’on ne se montre pas trop sévère à l’égard de cette négation obstinée ; car les fables et les particularités fantastiques, dont le récit des observations ne tardait pas à être surchargé, contribuaient nécessairement à provoquer l’incrédulité. Une si opiniâtre résistance à l’évidence contraste avec la naïveté enfantine qui accueille souvent, même encore de nos jours, l’affirmation erronée de certains faits physiques.

Ces grandes questions, comme bien d’autres, avaient occupé les philosophes de la Grèce. Anaxagore se figurait tous les corps