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personnel se compose principalement d’employés, comme dans les sociétés d’assurances, les sociétés financières, les grandes maisons de commerce, l’institution de la participation aux bénéfices ne semble point présenter de difficultés. Ces sociétés, avec un nombre restreint d’employés, font face à un chiffre d’affaires considérable. Par rapport à l’importance du bénéfice réalisé, le nombre des participans est peu considérable, et un prélèvement assez faible suffit à les rémunérer. D’ailleurs, le plus grand nombre de ces sociétés se croiraient probablement obligées de faire ce que font, en général, les grandes sociétés financières ou industrielles, c’est-à-dire de prélever sur leurs recettes brutes un tant pour cent proportionnel au traitement de chaque employé pour leur assurer une pension de retraite. En associant leurs employés à leurs bénéfices, les sociétés dont je parle arrivent au même résultat. Le système peut sembler meilleur en ce sens qu’il intéresse les employés à la prospérité de l’établissement. Mais on peut objecter également qu’il les rend solidaires de ses difficultés et que si, pendant quelques années, les bénéfices sont nuls ou très faibles, les employés verront leur avenir compromis et le revenu de leurs vieux jours diminué, sans qu’il y ait en rien de leur faute. Le système de la pension de retraite, avec capital réservé (c’est-à-dire revenant aux héritiers), peut donc être mis en parallèle avec celui de la constitution du patrimoine par la participation aux bénéfices (pour parler comme M. de Courcy), et, ce qu’il y a de plus vrai à dire, c’est que l’un et l’autre ont du bon.

L’institution de la participation aux bénéfices devient d’une mise en pratique beaucoup plus difficile dans les établissemens qui comptent principalement des ouvriers. Cependant là aussi elle a donné de très bons résultats, mais dans ceux-là surtout où l’habileté dans la main-d’œuvre, l’économie dans l’emploi de la matière première ont une grande influence sur la prospérité de l’entreprise ; il faut ajouter aussi dans ceux où le personnel ouvrier n’est pas très nombreux. En effet, si le nombre des parties prenantes aux bénéfices est considérable, il se produira de deux choses l’une : ou bien la part de bénéfice distribuée à chacun deviendra extrêmement faible, ou bien il faudra grossir la somme de telle sorte que la participation aux bénéfices ne sera plus seulement de la part du patron une libéralité, mais un véritable acte de munificence. Il faut bien se garder de croire, en effet, que, dans les affaires industrielles, le chiffre du bénéfice réalisé croisse proportionnellement à l’importance de la main-d’œuvre employée ou au chiffre des capitaux engagés. On pourrait presque dire que c’est le contraire qui est vrai et que plus les frais généraux sont considérables, moindre est le bénéfice. Tel industriel qui emploiera deux cents ouvriers tirera peut-être 10 pour 100 de son capital, tandis qu’une grande société qui en emploiera