Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/844

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affirme que c’est une utopie décevante et dangereuse qui contient un ferment de discorde et un principe dissolvant. Ce n’est pas une médiocre perplexité pour les humbles d’esprit que de se trouver en présence d’affirmations aussi péremptoires dans leur contradiction lorsqu’elles émanent d’autorités également sérieuses. Pour nous tirer d’embarras, adressons-nous à une troisième, celle des faits et voyons ce qu’elle va nous dire.

Le second volume des procès-verbaux de la commission d’enquête extra parlementaire contient uniquement les dépositions relatives à la participation aux bénéfices. Or, de l’ensemble et l’on peut même dire de l’unanimité de ces dépositions, se dégage un premier fait hors de conteste : c’est que partout où ce système a été mis en pratique il a donné les meilleurs résultats. Tandis que le mouvement, coopératif a échoué deux fois et que personne ne peut prédire avec certitude le succès de la troisième tentative, la participation aux bénéfices, en France du moins, n’a donné lieu à aucun mécompte. Le nombre des établissemens où a été adopté ce mode de rémunération supplémentaire du travail va en s’accroissant chaque année. En 1870, il n’y avait que treize maisons qui missent en pratique la participation aux bénéfices ; on en compte trente-six aujourd’hui. Il faut ajouter à ce chiffre un nombre considérable de maisons situées à l’étranger (quarante-neuf), en Suisse et en Allemagne principalement. Enfin, ce qui est à remarquer, à l’exception d’une exploitation houillère, située en Angleterre, celle de MM. Briggs, dont l’échec peut s’expliquer par certaines raisons locales, on ne cite l’exemple d’aucun patron ou directeur ayant introduit dans son établissement la participation aux bénéfices et y ayant renoncé. On peut donc affirmer que, si l’expérience du système a été jusqu’à présent restreinte, en revanche, les résultats en sont parfaitement satisfaisais. Le témoignage des hommes qui l’ont pratiqué est unanime sur ce point et, lorsque ce témoignage émane d’hommes de la valeur de MM. Chaix, Paul Dupont. Laroche-Joubert, d’autres encore, qui tous ont acquis un nom illustre dans l’industrie, il est impossible de ne pas tenir grand compte de leur affirmation. Aussi peut-on s’étonner que, dans une de ses séances de cette année, la Société d’économie politique ait cru devoir mettre en discussion cette question : La participation aux bénéfices est-elle conforme aux principes de l’économie politique ? Car, enfin, si, les avantages de tel ou tel système étant démontrés par les faits, les économistes venaient par malheur à déclarer que ce système est contraire à leurs principes, ne serait-ce pas tant pis pour les principes et aussi un peu pour les économistes ? Demandons-nous plutôt quelles sont les causes de ce succès indéniable et, pour y réussir, appliquons-nous à bien discerner l’essence même du système.

Quelle est exactement la nature de la participation aux