d’en vendre aux indigènes : j’ignore les conséquences pratiques de cette prohibition. Le besoin de bras dans le Queensland (Australie), dont le climat très chaud partout, torride dans le nord, exclut en grande partie le travail blanc, a donné lieu à ce qu’on appelle le labour-trade, la traite des travailleurs. Tout le monde sait quelles cruautés furent commises dans les commencemens. De vrais flibustiers descendaient dans quelque île de la Mélanésie, faisaient main basse sur tout ce qu’ils rencontraient et enlevaient, par la ruse ou par la force, la jeunesse de la tribu. Aujourd’hui ce trafic est réglé et contrôlé par les soins du gouvernement de Queensland et du haut commissaire britannique dans le Pacifique occidental ; il y a à ce sujet des règlemens sévères, et, à chaque bâtiment recruteur est attaché un agent du gouvernement de Queensland chargé de tenir la main à ce qu’ils soient strictement observés. De plus des croisières anglaises, de la station navale d’Australie, exercent sur les mers un contrôle suivi et sérieux, sinon toujours efficace. Néanmoins, on n’a qu’à lire les rapports des officiers chargés de ce service pour se convaincre qu’il reste encore beaucoup à faire. Depuis quelque temps des bâtimens de guerre allemands fréquentent aussi ces parages, avec mission de protéger leurs nationaux.
Ce sont donc ces bâtimens recruteurs, les trade vessels, qui vont chercher, en les engageant pour un, deux, trois ans, les jeunes gens des îles mélanésiennes et qui les transportent à Queensland et à Fiji, avec l’obligation, pas toujours fidèlement remplie, de les ramener dans leur village au terme de leur engagement. Une partie seulement de ces sauvages revient, et ceux qui revoient leur île natale, sauf quelques rares exceptions, ont peu profité à leur apprentissage en pays civilisé. Ils n’en ont adopté que les vices. Comme conséquence, les Nouvelles- Hébrides sont presque dépeuplées et les îles Salomon le seront bientôt.
Sir Arthur Gordon et M. Thurston, pour préserver les Fijiens d’un sort semblable, ont imaginé un moyen pratique d’empêcher l’émigration, et ils ont du même coup créé à l’état une ressource financière. Le gouverneur a imposé aux indigènes une taxe payable en produits naturels[1]. A cet effet, il a établi des plantations de district où les hommes sont tenus de travailler sous l’inspection et sous la responsabilité des rokos, des bulis et des magistrats indigènes. Le produit de ces travaux fournit les moyens de payer l’impôt. De là, pour les jeunes gens, l’impossibilité de quitter le pays. Si l’émigration est presque nulle, ce résultat si heureux est dû à
- ↑ Cet impôt rend 18,000 livres sterling.