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s’écria un officier de l’Espiègle. Celui que vous avez invité arrive à bord pieds nus, vêtu d’une chemise et d’un pantalon qui ont vu du service. Introduit au carré des officiers, il s’assied à table sans embarras et sans excès d’assurance, manie sa fourchette et son couteau avec une parfaite aisance, parle notre langue presque comme un Anglais et se conduit comme un vrai gentleman ! » Malheureusement avec les bonnes manières de leurs ancêtres tahitiens, ils en ont aussi hérité l’indolence, l’incurie et la passion du dolce far niente.

En résumé, des hommes bienveillans, sous l’impulsion de généreux sentimens, ont voulu se charger à leur égard du rôle de la Providence. Ils ont prodigué leurs faveurs à cette population certainement digne d’intérêt. Mais, en la séparant absolument du reste du monde, ils lui ont créé une existence factice : pas de concurrence, partant, pas d’émulation, pas d’excitation au travail. Le sang ne se renouvelle pas et, comme conséquence finale, cette population tombe dans un état de léthargie qui menace de la conduire à l’hébétement moral et physique. L’expérience philanthropique a mal réussi. Je doute qu’on la renouvelle.


Je sors et je rencontre dans la cour les demoiselles de la maison, mises comme des servantes. Une d’elles fait le beurre, une autre nettoie les étables, la troisième puise de l’eau à la citerne, mais une demi-heure après elles paraissent au déjeuner débarbouillées et transformées en petites bourgeoises. L’heure du départ arrivée, les jeunes filles courent aux champs, attrapent deux chevaux, les enfourchent et les amènent. Ces montures doivent nous transporter, M. Nobbs et moi, à la mission mélanésienne.

Je jette un dernier regard sur la rustique demeure de ces braves cens, qui ne sont ni paysans, ni gentlemen, ni blancs ni noirs, mais qui ont quelque chose de tout cela. A l’ombre de quelques beaux arbres, la maisonnette avec sa vêrandah, son petit jardin rempli de fleurs devant la façade, avec des champs et des pâturages tout autour, ayant vue ici sur la forêt qui commence à quelques pas de l’enclos, là sur une prairie parsemée de bouquets de plus de Norfolk, l’ensemble formé par ce petit manoir paisible, un peu endormi, et par ce paysage essentiellement pastoral, si bien en harmonie avec les habitans, ne s’effacera pas de ma mémoire. Le magistrat est dans sa sphère un homme évidemment supérieur, dans tous les cas supérieur à ses concitoyens. Il a visité Aukland et Sydney et il s’est donné une certaine instruction. Tout ce qu’il dit est marqué au coin du bon sens.