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que le poème s’achève par ce mot, simple épîtaphe de l’héroïne : « Fidèle ! »

Après cette analyse, perpétuellement accompagnée d’impartiale critique, on sait en quels points le succès a été disputé, combien il est grand et de quelle rare et noble espèce. M. François Coppée a combattu, il a vaincu en poète. Nous avons marqué, plus haut, par quelle précieuse qualité d’idées, par quelle énergie créatrice il avait prouvé ses droits essentiels à ce titre. Des citations, faites selon la commodité du récit plutôt que selon l’avantage de l’auteur, nous dispensent d’insister sur les mérites de sa forme. Le style de M. Coppée est nourri plus que jamais de bons substantifs et de bons verbes. Son vers[1] a du poids, sans être lourd ; même, lorsque l’opportunité le conseille, il est agile. Sa période s’enfle généreusement, lorsqu’elle peut être lyrique ou épique ; lorsqu’il s’agit d’être dramatique, le trait ne lui manque pas. Sa rime, à l’ordinaire, n’est ni banale, ni affectée ; en trois ou quatre occasions, tout au plus, elle est faible. Son rythme se carre ou s’arrondit où il en a le loisir, il se désarticule où il faut et ne se rompt jamais, sinon dans cet unique vers :


Ne va pas, ô o ma pauvre Marie, être lâche !


Plutôt que d’insister sur pareille vétille, si je devais adresser un reproche à M. Coppée, je relèverais chez lui des réminiscences de certaines allures de Hugo : il s’en serait passé avec bénéfice. N’est-ce pas assez qu’un tel poème, — le nombre des situations dramatiques étant restreint, — rappelle forcément par la situation des personnages tantôt le Roi s’amuse, tantôt Hernani, tantôt les Burgraves, — pour ne parler ni des Funérailles de l’honneur, ni du Roi Lear ? — Pourquoi aggraver cette nécessité ? pourquoi se donner gratuitement, par telle attaque de phrase, par telle coupe de vers, des airs d’imitation directe ? Il est impossible de ne pas se rappeler la tirade :


Je suis Jean d’Aragon, grand-maître d’Avis, e,
Et si nos échafauds sont petits, changez-les,..


lorsqu’on entend celle-ci :


Je me nom
Richard-William, lord Fingall de Mac-Fingall,
Chef de clan, colonel d’un régiment royal,
Aide-de-camp… Je vaux pour tous, bourreaux anglais,
Mille livres sterling. Me voici. Gagnez-les.
  1. Voir, sur la prosodie de M. Coppée, un ingénieux chapitre du récent livre d M. Jules Lemaitre, les Contemporains ; Lecène et Oudin, éditeurs.