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moderne et les merveilleux procédés industriels qui, dans l’ordre matériel, ont contribué dans une si large mesure au développement du bien-être chez les nations civilisées, c’est parce qu’ils avaient constamment, comme ils le disent eux-mêmes, l’esprit hanté par le spectre de l’invasion étrangère, et qu’ils considéraient l’introduction chez eux de ces innovations comme le prélude de leur absorption finale par l’élément européen. Ces dispositions se modifieront nécessairement si nous parvenons à les convaincre que nous ne voulons porter nulle atteinte à leur autonomie ni entraver en rien l’œuvre qu’ils ont entreprise de s’assimiler les indigènes de race différente auxquels ils ont imposé leur suprématie, œuvre essentiellement humanitaire, au succès de laquelle la mission civilisatrice de la France nous impose le devoir de concourir de tous nos efforts.

Laissons donc aux Hovas le soin d’amener progressivement à un meilleur état social les indigènes qu’ils ont soumis à leur autorité, car c’est une mission qu’ils sont à tous égards mieux à même de remplir que nous ; pour dégrossir des sauvages, des barbares valent mieux que des civilisés, et pour faire progresser des barbares, une civilisation naissante a plus de force et d’efficacité qu’une civilisation très raffinée ; il faut qu’il y ait des points de contact, des prises faciles entre des peuples de culture inégale, pour que le plus avancé puisse entraîner à sa suite le plus arriéré. Ce n’est pas par la conquête, mais par une lente infiltration que l’élément européen arrivera à s’implanter à Madagascar, et c’est alors seulement que le génie de notre race pourra intervenir utilement pour faire fructifier et développer chez ces indigènes les germes de civilisation qu’ils devront à la féconde initiation des Malais, leurs maîtres actuels.


En résumé, il semble qu’il y aurait lieu de renoncer à la revendication du protectorat sur la côte nord-ouest, et de nous assurer, en échange, la souveraineté de la pointe nord de l’île, dont la possession nous offrirait des avantages bien autrement appréciables que la contrée qui fait actuellement l’objet de nos revendications ; quant au traité de commerce de 1868, nous pourrions sans inconvénient, et à titre de transaction, nous prêter à la légère modification qui a été indiquée plus haut et qui n’altérerait en rien l’économie générale de cet acte international. Enfin les Hovas ne pourraient considérer comme une aggravation des conditions de paix l’adhésion que nous leur demanderions à l’institution de tribunaux mixtes, destinés à assurer une justice impartiale aux étrangers de toute nationalité que leurs affaires mettent en contact avec eux, et