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qui ne pourra s’établir que lorsque les indigènes n’auront plus incessamment suspendue sur leur tête la menace d’une dépossession violente de leur pays.


V

Ce serait, pensons-nous, se nourrir d’illusions que d’espérer amener de bon gré les peuplades négroïdes de cette île à embrasser nos mœurs et nos usages et à accepter de nos mains les bienfaits de la civilisation ; la grande distance existant entre l’état intellectuel des peuples de cette race et celui des peuples de race blanche, ces deux extrêmes de l’échelle de l’humanité, crée un abîme que ni les uns, ni les autres ne peuvent franchir et mettra pour longtemps encore obstacle à toute communauté de pensées et de sentiment entre eux ; ajoutons qu’aux yeux de ces indigènes, le vaza, le blanc, à quelque nationalité qu’il appartienne, est et restera toujours l’ennemi traditionnel de leur race, même quand il se présente dans l’attitude la plus pacifique, et ils persisteront à le tenir en suspicion, parce qu’ils lui supposeront toujours des arrière-pensées de conquête et d’asservissement.

Les Hovas, dont le nom a acquis de nos jours une si grande notoriété, ont les vices et les qualités inhérens à la race à laquelle ils appartiennent ; mais ils ont incontestablement l’esprit beaucoup plus ouvert que les autres indigènes aux idées de progrès, et quelques-uns d’entre eux ont même, dans des circonstances délicates, fait preuve d’une intelligence supérieure et d’un remarquable tact politique ; le règne de Radama Ier avait déjà été marqué par l’introduction chez ce peuple de plusieurs réformes importantes, telles que la suppression de la traite des esclaves, l’établissement de nombreuses écoles primaires destinées à l’éducation des enfans des deux sexes, l’organisation de troupes disciplinées à l’européenne, l’introduction dans la capitale de l’imprimerie, l’adoption de caractères latins pour écrire la langue malgache, etc. ; les Hovas continuent à marcher dans la voie de progrès que leur avait tracée le glorieux fondateur de leur puissance, et, de nos jours, les missionnaires méthodistes (il faut le reconnaître) s’emploient avec une louable persévérance à procurer à leurs prosélytes les bienfaits d’une large diffusion de l’instruction publique, qu’ils auraient même, dit-on, rendue obligatoire comme chez nous.

Mais, il faut bien le dire, les Hovas nourrissent à l’égard des étrangers les mêmes préventions et les mêmes sentimens de répulsion que les autres indigènes ; s’ils se sont systématiquement refusés jusqu’à présent à s’approprier les inventions dues à la science