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qui a été prise incombe en grande partie à la presse française, dont les organes les plus accrédités, égarés par une notion inexacte des faits et par une ignorance absolue des moyens de résistance qui pourraient nous être opposés, n’ont pas hésité à pousser le gouvernement dans la voie des revendications armées, qui devaient avoir pour prompt résultat, suivant eux, d’amener les Hovas à composition et d’assurer à la France le protectorat qu’elle est fondée à réclamer sur la partie nord-ouest de l’île. La pression qui parait avoir été, dans cette circonstance, exercée sur le gouvernement par les représentant des colonies, particulièrement par ceux de l’île de la Réunion, n’est sans doute pas étrangère à la détermination qui a été prise.

Quelques esprits, plus ardens que réfléchis, ne s’arrêtaient pas à l’idée d’un protectorat à exercer sur une zone plus ou moins limitée du littoral de la grande île et préconisaient une solution beaucoup plus radicale ; — il faut, disaient-ils, sinon supprimer les Hovas, du moins les rejeter dans l’intérieur, en rendant à la liberté tous les peuples qu’ils détiennent sous leur joug et qui nous appellent comme des libérateurs. — Dans les derniers jours de la législature qui vient de finir, cette opinion a été soutenue au parlement avec un remarquable talent et développée, avec un rare bonheur d’expression, par un des orateurs les plus écoutés de la chambre.

Le premier point de ce programme n’est certes pas impossible à réaliser, et il n’est pas douteux que, si on voulait bien mesurer l’effort à faire au résultat à atteindre, nos intrépides soldats, qui sont déjà venus à bout d’entreprises bien autrement ardues, parviendraient à refouler les Hovas dans leurs montagnes ; mais il ne nous semble pas démontré que les indigènes seraient bien désireux d’échanger leur sujétion actuelle, qui leur assure du moins une sécurité relative quant à leurs personnes et leurs biens, contre la liberté illusoire que nous leur offririons et qui les mettrait de nouveau à la merci de chefs locaux d’une insatiable cupidité, qui ne se feraient nul scrupule de les spolier de leurs biens, et de trafiquer même, à l’occasion, de leurs personnes. On peut se demander aussi si un pareil changement, dans l’état actuel des choses, servirait notre intérêt bien entendu, et s’il ne compromettrait pas d’une manière regrettable la sécurité des relations commerciales que nous entretenons avec la grande île ; dans le cas où nos nationaux auraient à subir quelques sévices de la part des indigènes, quels moyens aurions-nous désormais de poursuivre efficacement le redressement de nos griefs, n’ayant plus affaire qu’à des chefs menant presque toujours la vie nomade, qui leur donne toutes facilités de se dérober à la responsabilité qu’ils auraient encourue ? Disons-le donc, la solution