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qu’avec un accent étranger. La mâchoire inférieure a une légère tendance à se porter en avant, et le menton, quoiqu’il ne soit pas encore très proéminent, menace de le devenir. C’est là qu’est le signe caractéristique de la race. Très peu sensible encore dans ce portrait à cause de la grande jeunesse du personnage, il s’accentuera plus tard, et la ressemblance avec les ancêtres deviendra frappante. Cette conformation particulière du bas du visage apparaît aussi bien dans les portraits du père d’Elisabeth d’Autriche, Maximilien II, que dans ceux de son aïeul, Charles-Quint, et se peut retrouver en remontant jusqu’à Marie de Bourgogne, Charles le Téméraire, Philippe le Bon, Jean sans Peur et Philippe le Hardi. Il semble même qu’il faille en rejeter la responsabilité sur les ducs de Bourgogne plutôt que sur les princes de la maison d’Autriche. Brantôme raconte « qu’une fois la reyne Aliénor (Eléonore d’Autriche, sœur aînée de Charles-Quint et femme de François Ier), passant par Dijon et allant faire ses dévotions au monastère des Chartreux de là et visiter les vénérables sépulchres de ses ayeulz, les ducs de Bourgogne, elle fut curieuse de les faire ouvrir. Elle y en veid aucuns si bien conservez et entiers, qu’elle y recognent plusieurs formes, et entr’autres la bouche de leur visage. Sur quoy soudain elle s’écria : Ha ! je pensais que nous tinsions nos bouches de ceux d’Autriche ; mais, à ce que je vois, nous les tenons de Marie de Bourgogne, notre ayeulle, et autres ducz de Bourgogne nos ayeulz. Si je vois jamais l’empereur, mon frère, je luy diray ; encor lui manderay-je. » Et une autre sœur de Charles-Quint, Marie d’Autriche, reine de Hongrie, qui « n’avoit aucune chose de laid et à quoy repreindre, non si sa grand bouche et avancée, » se plaisait également à cette remarque, parce qu’elle lui donnait un trait de ressemblance avec les chefs de la maison de Bourgogne. La femme de Charles IX, elle aussi, toute fille d’Autriche qu’elle est, conserve quelque chose du vieux sang bourguignon. Mais la fraîcheur de ses seize ans efface toute accentuation fâcheuse. On ne voit rien en elle que de fleuri. Ses joues, sans maigreur ni embonpoint, gardent une forme pure. Sa petite oreille, rose et fine, est d’un dessin charmant. Tout est mignon dans sa mignonne petite tête au teint de fleur de lis, sans fard, dans un temps où tout était fardé. Le bas de cet aimable visage repose sur une fraise à godrons garnie d’une fine dentelle. La guimpe qui couvre la gorge est bouillonnée, quadrillée de perles et piquée d’un bouton d’or émaillé à chacun des angles du quadrille. Un collier en forme de carcan, semblable au bandeau de joaillerie placé dans la coiffure, est passé sur cette guimpe à la hauteur du cou. La robe, ouverte sur la poitrine, est en brocart d’or à ramages d’argent, avec une garniture et une pendeloque de pierreries qui forment la partie principale