Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/610

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici d’abord le grand portrait, un portrait d’apparat, où le peintre s’est appliqué à représenter le roi dans tout son éclat et avec tous ses avantages, à bien mettre en lumière tout ce qui pouvait le grandir et le faire aimer. Or, on peut vanter la sveltesse, l’élégance, la belle tournure et le grand air du personnage ; mais il y a en lui quelque chose de froid et de gêné qui vous met mal à l’aise et vous tient en défiance. Le regard, de côté, n’est pas rassurant, et la bouche n’exprime rien de bon. Tout ce qu’on voudrait voir paraître en dehors, à cette heure fortunée de la vingtième année, est comme comprimé en dedans. La jeunesse semble éteinte en ce jeune homme, et ses impatiences sont comme refoulées. Il est dans l’âge des entraînemens irréfléchis, et son visage n’exprime que calcul et contrainte. La vie n’ayant guère en pour lui de sourire, il ne sourit pas non plus à la vie. On est saisi, devant lui, par le sentiment d’un mal moral résultant de la croissance subitement arrêtée des facultés expansives, et par quelque chose aussi de la tristesse maladive des vieilles races près de s’éteindre.

La réplique, en tout petit, de ce grand portrait, est plus saisissante et plus instructive encore. Le personnage s’y livre avec plus d’intimité, je dirais avec plus d’abandon, si pareil mot pouvait s’adapter à semblable figure. Dans ce petit tableau, Charles IX est plus lui-même, son âme semble plus à nu. Les yeux, sans plus de franchise, affectent une certaine douceur ; la bouche, moins pincée, s’efforce d’être naturelle, veut être rassurante et n’y peut parvenir. Cette physionomie, quelque bonne volonté qu’elle y mette, n’a toujours rien d’ouvert ; elle ne peut s’épanouir, et tout est contrainte en elle. On est là comme en présence d’une énigme, qui vous tient à distance par tout ce qu’il y a d’impénétrable en elle. Voilà cependant l’image destinée à la fiancée. En attendant le jour où l’époux se montrera lui-même, voilà le portrait qu’elle devra garder dans son cœur. Par bonheur, elle n’y vit rien de ce que nous voyons aujourd’hui. Nous le regardons à travers le prisme de l’histoire, éclairé ou plutôt assombri par les événemens que nous connaissons ; elle, au contraire, le regarda simplement, naïvement, sans arrière-pensée, sans pressentiment. Et puis les hommes n’étaient pas beaux dans la maison d’Autriche, surtout dans la famille de Charles-Quint, et Charles IX, comparé à la plupart des princes qui entouraient la future reine de France, dut paraître à son avantage. Il ne manquait d’ailleurs, son portrait en fait foi, ni de finesse ni de pénétration. La culture de son esprit avait été soignée. Il aimait les lettres. Amyot, son précepteur, lui avait donné le goût du beau langage et des belles harangues. Ronsard, Dorat, Baïf, étaient ses poètes favoris, et il se plaisait à les récompenser, mais sans les combler jamais, disant