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convoitises et incapable de les satisfaire, il aurait ajouté, comme roi, une triste page de plus à notre histoire, s’il n’était mort à l’âge de trente ans, en 1584, cinq ans avant Henri III.

Dans cette énumération iconographique des derniers Valois, il aurait fallu placer Charles IX entre Claude de France et le duc d’Anjou. Nous l’avons fait sortir du rang, afin de le regarder avec une particulière attention.

De tous les enfans d’Henri II et de Catherine de Médicis, Charles-Maximilien est celui qui, physiquement, ressemble le plus à sa mère. Par l’esprit et par le caractère, cependant, la nature n’avait pas fait de lui un Médicis. Il le devint par le pli que lui donna l’éducation… Dès son premier âge, les dessinateurs le crayonnent à l’envi, mais se contentent d’accoler le nom de Charles, duc d’Orléans, à des images enfantines sans caractère ni physionomie. Il faut aller jusqu’en 1561 et revenir au portrait du musée d’Ambras pour trouver une œuvre d’art de premier ordre en même temps qu’un document iconographique d’une réelle valeur. Charles IX, nous l’avons dit, a onze ans dans cette peinture, et l’on retrouve en lui déjà les traits saillans de sa mère. A voir cet enfant, avec ses yeux presque à fleur de tête, son nez un peu lourd, son menton fuyant et ses lèvres pincées, ne reconnaît-on pas comme un portrait vivant de Catherine de Médicis ? .. C’est le moment où « ce gentil jeune roy Charles vint à la couronne. » Les astrologues, « et sur tous Nostradamus, » lui prédisent les plus brillantes destinées, et les poètes publient le Traicté des neuf Charles. Pour les courtisans, le début d’un règne est invariablement semblable au commencement d’un beau jour. Que d’orages, cependant, accumulés ici sur cette aurore, et combien les augures étaient en train de mentir ! Le jeune roi, dans ce portrait, ne paraît-il pas avoir déjà conscience de ces mensonges ? Il vient d’être sacré à Reims (15 mai 1561), et, malgré l’enivrement de cette quasi-déification, ne dirait-on pas qu’il ne peut, sans arrière-pensée, s’abandonner à l’espérance ? Tout est sombre autour de lui. Il a pour guide un homme très capable de le grandir et de le fortifier ; mais sa mère est là, attentive et toujours présente, qui déjà l’énerve et l’amoindrit sans cesse. Philibert de Marcilly, seigneur de Cipierre, à qui Henri II avait confié l’éducation de son troisième fils, « étoit, dit de Thou, un homme de bien et un grand capitaine, » très propre à développer chez un enfant la bonne semence et s’y appliquant tout entier. Le terrain, d’ailleurs, était propice. Les dons heureux ne manquaient pas à Charles IX : il avait l’esprit pénétrant, la repartie vive, le cœur décidé, l’âme haute, et quelque chose de bien français était en train de s’éveiller en lui ; mais, aussitôt, la destinée cruelle intervient pour arrêter l’essor de ce premier élan, pour en refroidir la