Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/604

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lumière et le même relief obtenu par un procédé qui échappe à l’imitation, la même couleur harmonieuse dans les chairs et précieuse dans les moindres détails de l’ajustement, le même mode d’enchâssement pour les yeux, le même contour précis et fondu tout ensemble de la bouche et du nez, le même soin enfin donné aux mains. — Les crayons de la Bibliothèque nationale sont en parfait accord avec le portait d’Anvers… L’un d’eux montre le petit duc de Bretagne tout à fait dans le premier âge (deux ou trois ans), coiffé, comme dans la peinture, d’un bonnet de linge et d’une petite toque… Un autre donne le même enfant déjà tout empanaché… Le plus intéressant présente le dauphin à l’âge de quatorze ans environ, vers l’époque de son mariage avec Marie Stuart. Le jeune homme commence à peine à se dégager de l’enfant, mais on peut juger déjà que c’est bien à l’image de son père que la nature a voulu le former. Son visage est régulier, sympathique et d’une beauté encore un peu molle. Ce n’est là que l’ébauche d’un homme. La physionomie est en train de se chercher. En voyant l’indécision et la timidité dans lesquelles elle flotte encore, on comprend ce que dut être le jeune roi entre les mains des Guise. — Un autre témoignage, qu’il est impossible de ne pas invoquer aussi, est l’admirable portrait peint sur émail par Léonard Limousin. Ce portrait nous ramène au Musée du Louvre : il est en buste et de trois quarts à gauche, avec un fond bleu posé sur une préparation blanche. La tête est coiffée d’une toque noire semée de perles et surmontée d’une plume blanche. Les cheveux sont châtains et les yeux bleus ; le nez est plus lourd que dans le portrait dessiné de la Bibliothèque nationale. Ce précieux monument, qui faisait partie du trésor de Fontainebleau, confirme l’impression que nous ont laissée les précédens portraits. Comme ressemblance, Henri II peut revendiquer son fils aîné.

Elisabeth de France, reine d’Espagne, le second des enfans d’Henri II et de Catherine de Médicis, tient également de son père la rare beauté qui lui est propre. Elle lui devait aussi le charme du caractère et la séduction de l’esprit. Philippe II, « qui estoit d’amoureuse complexion, et aimoit fort à faire l’amour et aller au change, disoit souvent que, sur toutes les femmes du monde, il n’y avoit que la reyne sa femme, et n’en savoit aucune qui la valût. » A défaut du fameux portrait envoyé par Catherine de Médicis à don Carlos et que s’appropria le roi d’Espagne, les seuls crayons de la Bibliothèque nationale suffisent pour répondre en faveur d’Elisabeth. Sans nous arrêter devant les dessins qui la représentent encore enfant, regardons-la en possession déjà de sa beauté. La régularité, la délicatesse de ses traits, leur pondération gracieuse, son regard loyal et confiant, ne nous reportent-ils pas vers Henri II alors qu’il était