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ans environ à la mort de Charles VIII et trente ans à la mort de Louis XII, mais sa réputation et sa fortune ne datent guère que de François Ier, qui l’adopta comme peintre de portraits. Dès 1518, il émarge comme peintre ordinaire de Sa Majesté, et, à partir de 1523, il figure dans les dépenses royales avec le titre de « painctre et varlet de chambre ordinaire du roy. » Il avait succédé dans cette charge à Jehan Bourdichon et se trouvait le collègue de Jehan Perréal, dit Jean de Paris. De 1529 à 1536 on peut le suivre dans les comptes royaux. Malheureusement, pas une de ses œuvres n’y est indiquée en regard des sommes à lui payées, et on ne sait mettre sûrement son nom sur aucune de ses peintures. Étant donnée, cependant, la limite d’activité de sa vie d’artiste (1510-1541), on a tenté quelques attributions. — Voici, par exemple, dans la galerie de Florence, un précieux petit portrait de François Ier à cheval, dont le musée du Louvre possède une répétition en miniature provenant de la collection Sauvageot. Autrefois, le catalogue des Offices attribuait cette peinture à Holbein ; il la donne maintenant, également à tort, à François Clouet. Qu’elle soit de l’un des Clouet, cela est possible ; mais alors elle ne peut être que du second Jean, dit Jehan-net. François Ier n’a guère que trente ans dans ce portrait, ce qui nous place en 1524, époque à laquelle le premier Jean Clouet, père de Jehannet, n’existait plus, tandis que François, fils de Jehannet, n’était encore qu’un enfant. Quant à Jehannet (le second Jean Clouet), il était alors en titre d’office et parfaitement en passe de peindre le portrait du roi de France. Ce portrait, d’ailleurs, révèle un peintre habile. La finesse et la minutie des détails dans toutes les parties du costume trahissent des origines flamandes. Il y a là présomption en faveur de Jehannet, mais non pas certitude. De 1520 à 1535, on trouve dans les comptes royaux bien d’autres peintres en titre d’office : Barthélémy Guety, Nicolas Nicolaï, Charles de Varye, etc. Si leurs œuvres nous étaient connues, qui sait les surprises qu’elles nous ménageraient ? — Un autre portrait de François Ier, qui semble avoir été peint vers la même époque, se voit au Louvre. Le catalogue officiel, se tenant dans une sage réserve, se contente de dire : « Attribué à Clouet. » D’autres écrivains, plus affirmatifs, inscrivent bravement au bas de cette peinture le nom de Jean Clouet. Nous ne nous sentons pas en sécurité devant cette affirmation. Ce portrait nous parait plus exclusivement français que celui du musée des Offices. Il relève toujours d’un art dont les Flandres ont été le berceau primitif, mais sans qu’un accent étranger s’y fasse sensiblement sentir. On sait avec quelle fierté, instinctive et voulue tout ensemble, Jean Clouet se vantait de descendre de Van Eyck. Aurait-il pu s’abstraire à ce point de l’école à laquelle il était si jaloux d’appartenir ? Cela est peu probable, sans être toutefois impossible. On