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grossesses et à ses couches. Sa sollicitude, d’ailleurs, est récompensée ; la princesse donne le jour à un fils, on le fait savoir à Grimm dans la nuit même. On l’entretient des choses les plus intimes, les défauts de celle-ci, les chagrins de celle-là. On le tient au courant des négociations les plus délicates et on l’attache, dans deux grands voyages, à la personne du prince héréditaire.

Tel est donc Grimm dans cette correspondance, — toujours courtisan et songeant à sa fortune, il n’est pas besoin de le dire, — mais plus intimement associé aux destinées de la famille à laquelle il se consacre aujourd’hui, et remplaçant l’obséquiosité par le zèle avec lequel il épouse les intérêts de la maison. Affairé, dévoué, allant au-devant des services qu’on peut lui demander, il se décerne lui-même le nom de mouche du coche, et c’est bien un peu son rôle, en effet.

Le principal sujet de la correspondance de Grimm avec la princesse Caroline, je l’ai indiqué, est le mariage de ses filles, lesquelles finirent toutes par se placer, et deux d’entre elles sur des trônes. Grimm s’occupe peu de la troisième, Amélie, qui ne se maria qu’après la mort de sa mère. La dernière, Louise, trop jeune pour intéresser notre négociateur, épousa, en 1775, Charles-Auguste de Weimar, l’ami de Goethe. Les autres furent successivement pour Grimm l’objet de démarches infatigables. Une lacune de plus de deux années dans les lettres que nous avons sous les yeux ne nous permet point de savoir la part qu’il eut au mariage de l’aînée, la princesse Caroline. Nous voyons seulement qu’il avait eu, à son sujet, l’idée d’une alliance entre les deux cours qu’il servait. « Il faut, écrit-il à la mère, que je dise à Votre Altesse toutes mes rêveries et toutes mes impertinences. Il m’a passé par la tête de marier Madame la princesse Caroline au prince héréditaire de Saxe-Gotha. J’en ai parlé ces jours passés à M. de Studnitz, grand-maréchal de cette cour, qui est venu passer deux mois avec nous. Il est vrai qu’il m’en a parlé le premier comme d’une idée qu’il avait toujours eue, mais sans me dire que ce fût l’idée de Madame la duchesse, ni qu’elle en eût une d’arrêtée sur ce sujet. Je lui ai dit ce que je pensais de la princesse, et c’est lui qui m’a répondu que, quoiqu’il y eût beaucoup de princesses en Allemagne, l’avantage d’avoir été élevée par une telle mère lui ferait rechercher uniquement celle dont nous parlions s’il avait voix au chapitre. » Ce projet n’eut pas de suite ; la jeune fille épousa peu après le landgrave Frédéric de Hesse-Hombourg, moins âgé qu’elle de deux ans. Elle en eut quatorze enfans et n’est morte qu’en 1821.

Le mariage de Frédérique, la seconde fille de la landgrave, suivit de près celui de l’aînée. Il fut plus brillant ; son mari était le neveu et fut le successeur de Frédéric le Grand ; Guillaume, aujourd’hui empereur d’Allemagne, est son petit-fils. Grimm se vante d’avoir