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composée en 1729, sommeillait depuis un siècle dans les catacombes de la bibliothèque de Saint-Thomas, lorsque Zelter suggéra à Mendelssolm l’idée de tirer de l’oubli cette œuvre admirable. Le vendredi saint de l’année 1829, on l’exécuta triomphalement à Berlin sous leur direction. Ce fut le signal de la résurrection dans la foi de laquelle s’était endormi le grand homme. A partir de ce jour, les éditions de sa musique se multiplient. En 1849, l’Angleterre, devançant l’Allemagne, a déjà son Bach-Choir et sa Bach-Society. En 1S50, l’année du centenaire de sa mort, se fonde à Leipzig la Bach-Gesellschaft pour la publication complète de son œuvre. Trente-huit volumes in-folio ont déjà paru chez les éditeurs Breitkopf et Hartel. Il reste encore à publier les motets, les suites d’orchestre, la Passion selon saint Luc, beaucoup de pièces de clavecin et d’orgue, et cinquante cantates d’église ! Mieux connues, ces compositions magistrales appelaient leurs commentateurs : Grosser, Mosewius, Hilgenfeld[1], et jusqu’à un ministre des finances de Prusse, M. Bitter[2]. Mais c’est dans l’ouvrage de M. Philipp Spitta qu’il faut chercher le dernier état de la science, le résumé complet des recherches antérieures. Son livre de plus de 2,000 pages est le digne pendant de la grande édition Breitkopf et Hartel. On y trouve, classés méthodiquement, tous les renseignemens connus qui touchent de près ou de loin à la race des Bach, depuis le meunier cithariste Veit Bach de Wechmar, trisaïeul de Jean-Sébastien, jusqu’à son petit-fils, Wilhelm-Friedrich-Ernest Bach, cymbaliste de la reine de Prusse, mort à Berlin en 1846> M. Spitta a noté les moindres incidens de la vie du maître ; il consacre plusieurs pages à rechercher la femme inconnue que Bach fit chanter au chœur d’Arnstadt. Il commente en détail chaque composition, il en retrace la genèse, il en établit l’ordre chronologique, il en donne l’analyse au double point de vue de l’esthétique et de la correction des textes. C’est un vaste chantier où sont préparés avec art les matériaux d’une œuvre qui, malgré tout, reste à faire ; car rien n’est fait tant que la critique s’attache à détailler à la loupe les beautés de tel ou tel passage, au lieu de s’élever à la vue d’ensemble, son véritable domaine. Le seul moyen de rendre raison d’une impression musicale, c’est de la rattacher aux aperçus généraux qui sont le fonds commun de tous les arts, et, malgré ses développemens, il me parait que l’ouvrage de M. Spitta est incomplet par ce côté. Les admirateurs de Jean-Sébastien s’y familiariseront avec leur maître de prédilection, les amateurs de documens y

  1. J.-S. Bachs Leben, Wirken und Werke. Leipzig, 1850.
  2. Johann Sébastian Bach. Berlin, 1865.