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vernement, » ainsi que le disait il y a peu de jours M. le duc de Broglie, à qui il n’a manqué que quelques voix pour être élu et qui eût été l’honneur de l’assemblée nouvelle. Plus les conservateurs d’aujourd’hui mettront de mesure et de sagesse, même de désintéressement d’opinion dans leur opposition, plus ils pourront avoir une influence utile et efficace dans l’intérêt du pays. Ils ont à se faire ou à suivre non une politique de faction, mais une politique de réparation, de défense, et c’est en restant sur ce terrain, où le sentiment de leurs électeurs les a placés, qu’ils peuvent, même en n’étant qu’une minorité, servir sérieusement la France. Leur rôle est d’aider à réparer autant que possible le mal qui a été fait depuis quelques années et d’empêcher le mal qui se prépare peut-être encore, si les républicains à leur tour ne se laissent pas éclairer par les élections dernières.

Cette question de conduite, qui a certes son importance pour une minorité, elle est bien plus grave encore, en effet, pour les républicains, qui, eux, sont la majorité, et qui, précisément parce qu’ils ont le pouvoir, sembleraient intéressés à ne pas le perdre complètement par des fautes nouvelles. Malheureusement, c’est ce qu’ils comprennent le moins. Les républicains ont un don singulier : ils ne peuvent ou ils ne savent jamais rester dans la vérité. S’ils ont quelque succès, ils se laissent aller à leurs passions et à leurs infatuations ils se croient tout permis ; s’ils éprouvent quelque échec bien mérité, ils s’irritent, ils menacent et ils divaguent pour échapper à la cruelle réalité qui les presse, ils font comme aujourd’hui, ils commencent par n’avoir pas même le sentiment le plus simple des causes de leurs mécomptes, et naturellement ils ont encore moins l’idée de chercher quelque lumière, quelque enseignement profitable dans une défaite qu’ils se sont attirée. Assurément, il n’y a rien d’obscur ni même de bien compliqué, quoi qu’on en dise, dans ces scrutins qui ont si brusquement et si étrangement troublé l’optimisme républicain S’il y a une chose évidente, parlante dans ces élections et dans ce revirement d’opinion dont elles sont l’expression, c’est que le pays, fatigué, excédé ruiné, a voulu protester contre une domination qui ne s’est manifestée que par des promesses trompeuses, par des turbulences stériles, par des excès de parti par de perpétuelles concessions à l’esprit de révolution et d’anarchie. Ces trois millions et demi d’électeurs français, qui le 4 et le 18 octobre ont donné leurs voix à des conservateurs, n’ont peut-être pas fait de profonds calculs et n’ont pas songé, si l’on veut, à préparer par leur vote quelque révolution nouvelle : mais ils savaient à coup sûr ce qu’ils faisaient en refusant leurs suffrages aux dominateurs du jour, ils ont parlé assez clairement pour qu’on ne puisse se méprendre sur ce qu’ils pensent et ce qu’ils sentent. Ils ont dit comme ils pouvaient le dire qu’ils en avaient assez d’une politique qui, depuis quelques années, n’a su que tourmenter le pays, inquiéter les consciences et les