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du même auteur : Flécher orateur, non moins consciencieux, mais plus diffus, trop complet, plus chargé de détails inutiles et surtout trop connus, pour étudier de plus près le personnage, la nature de son talent, et celle de son influence.

On ne juge ordinairement de Fléchier que sur ses Oraisons funèbres, et de ses Oraisons funèbres on ne connaît guère que celle de Turenne, pour l’avoir lue dans tous les Recueils de morceaux choisis. « Chose étrange ! dit à ce propos M. l’abbé Fabre, la postérité ne cesse de reprocher à Fléchier ses défauts : abus de l’esprit, fines antithèses, recherche de tours ingénieux et d’expressions nobles ou délicates, et, par une contradiction assez bizarre, elle n’a guère retenu de lui qu’un seul ouvrage, celui précisément où abondent le plus les imperfections dont elle se plaint. » C’est trop peu, M. l’abbé Fabre a raison de le dire, et raison de vouloir qu’à défaut de ses histoires ou de ses vers latins on y joigne la lecture au moins de quelques-uns des Panégyriques et de quelques-uns des Sermons de l’évêque de Nîmes. Fléchier d’ailleurs a-t-il vraiment « mieux compris que Bossuet et que Bourdaloue ce que demande le panégyrique des saints ? » c’est une question, et le biographe l’a peut-être un peu bien promptement et décisivement tranchée ; mais, ce qui paraît certain, c’est qu’au XVIIe siècle panégyriques et sermons, panégyriques surtout, firent autant pour la gloire de Fléchier que ses Oraisons funèbres. Cent ans plus tard, l’opinion des contemporains était celle encore de l’éditeur de Fléchier, le chanoine Ducreux. « Dans la carrière du panégyrique, dit-il, Fléchier ne trouva parmi ceux qui l’avaient précédé, même avec quelque succès pour leur temps, personne qu’il pût suivre et qu’il pût imiter. La route qu’il suivit, nul autre ne l’avait frayée avant lui ni même entrevue. » La critique sembla souscrire à l’admiration de l’honnête chanoine ; Laharpe mit les Panégyriques de l’évêque de Nîmes au-dessus de ceux de Bossuet et de Bourdaloue ; et il fut entendu que Bossuet l’avait emporté dans l’Oraison funèbre, Massillon dans le Sermon, mais Fléchier dans le Panégyrique. Heureux temps que celui où, dans des genres si voisins, pour ne pas dire si semblables, et réglés par les mêmes conditions, une critique si sûre savait si nettement distinguer des nuances si subtiles !

Laissons là les comparaisons. Aujourd’hui, le véritable intérêt des Panégyriques et des Sermons de Fléchier, c’est de nous être utiles, et même indispensables pour une exacte connaissance de la nature de son talent. On peut dire, en effet, que l’oraison funèbre est un genre d’apparat ; prêtre ou laïque, évêque ou académicien, ou peut dire que l’orateur s’y croit obligé, — je ne sais trop pour quelle raison, — d’appeler au secours de son éloquence toutes les ressources de la rhétorique ; et, soit enfin qu’il lui faille égaler la majesté d’un grand sujet ou, au contraire,