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de temps avant la mort de don Juan, abandonné la cause des états et était entré en négociation avec Emmanuel de Lalaing, seigneur de Montigny, pour attirer au parti du roi les troupes wallonnes. M. Gachard, le savant archiviste du royaume de Belgique, a publié la correspondance que Farnèse eut à ce sujet avec Philippe II en même temps que les lettres relatives aux négociations que le prince de Parme ouvrit lui-même avec les états d’Artois, du Hainaut, avec Lille, Douai et Orchies. Du premier coup, Farnèse se montrait ce qu’il devait toujours demeurer, aussi prêt à traiter qu’à se battre, habile diplomate autant qu’homme de guerre. Par nous ne savons quel miracle, l’esprit de Philippe II s’était ouvert enfin à une vision plus claire des nécessités ; il avait fait longtemps violence à ses sujets les plus loyaux, désespéré les fidélités les plus complaisantes, donné du courage aux plus timides ; sa politique sans merci avait déjà enlevé plusieurs provinces à l’Espagne ; pour conserver le reste, une autre politique était nécessaire, et Philippe II s’y était résigné, soit qu’il fût capable d’apprendre quelque chose de l’expérience, soit plutôt qu’il crut devoir dissimuler quelque temps, espérant reprendre plus tard ce qu’il était contraint de donner : « Il convient, écrivait-il dans les premières instructions qu’il donna à Farnèse, que, par tous les moyens possibles, vous tâchiez d’arranger les affaires. C’est la fin que je désire et que j’ai toujours désirée, comme mon intention est de pardonner toutes les choses passées. Que les Pays-Bas se réduisent à mon obéissance, que la religion catholique romaine y soit observée : pour tout le reste, vous pouvez prendre les arrangemens que l’état, des affaires vous fera juger convenables. »

Les négociations de Farnèse amèneront la conclusion d’un traité conclu à Arras, le 17 mai 1579, entre les commissaires du roi d’Espagne et les députés des provinces d’Artois, de Hainaut et des villes de Lille, Douai et Orchies. « Les provinces wallonnes, dit M. Gachard, obtinrent, par le traité d’Arras, des concessions qui allaient au-delà de tout ce que, avant les troubles, les plus ardens patriotes avaient jamais espéré. Ainsi, le roi confirmait la pacification de Garni et l’union de Bruxelles ; il accordait l’oubli du passé ; il prenait l’engagement de faire sortir du pays les troupes étrangères, et même les régimens bourguignons ; de ne commettre au gouvernement général que des princes du sang : de faire décider par le conseil d’état toutes les affaires, comme du temps de Charles-Quint ; de ne composer le conseil que de naturels du pays, dont les deux tiers devaient être agréables ans états, et avoir suivi leur parti depuis le commencement jusqu’à la fin ; de ne conférer de même qu’à des personnes agréables aux états les charges des