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profitablement amenées jusqu’au point d’embarquement ; aussi à l’intérieur les prix restent-ils très bas. On récolte du vin surtout dans les environs de Varna et de Kustendil ; mais il est si mal fait qu’il ne supporte pas le transport ; quand il arrive à Marseille, il est aigri.

Par suite de l’émigration considérable de musulmans qui partent pour ne pas obéir dans l’armée à des chrétiens, la population a beaucoup diminué dans les villes. Celle de Widdin, qui est maintenant de 13,602 âmes, était, dit-on, avant la dernière guerre de 30,000. On prétend que 200,000 musulmans ont émigré. Qu’on ne s’en plaigne pas et qu’on les laisse partir. Leurs maisons et leurs biens se vendent à vil prix : grand avantage pour qui les achète. Un élément de discorde se trouve ainsi éliminé pour l’avenir. Le pays n’a pas trop souffert de leur départ, car le commerce a notablement augmenté : de 52,230,654 francs en 1879 ; il s’est élevé à 90,279,000 francs en 1882. En si peu d’années il a presque doublé. Comme en Serbie, le principal trafic se fait avec L’Autriche, puis vient l’Angleterre, et en troisième ligue la Roumanie. Les relations avec la France sont presque nulles. Les importations françaises on Bulgarie ont été seulement de 3,019,300 francs en 1881.

La Russie s’efforce de faire rentrer la Serbie dans la sphère de son commerce. Elle vise à la construction d’un chemin de fer qui irait des bouches du Danube à Sophia, en traversant diagonalement tout le pays. En octobre 1882, elle a accordé au prince Gagarine un subside annuel de 1,200,000 roubles pour l’aider à maintenir la navigation à vapeur entre Odessa et les échelles du Danube, mais le succès est douteux. L’industrie russe, ultra-protégée, ne peut lutter contre l’Occident, et, en outre, les conditions économiques de la Russie et de la Bulgarie sont trop semblables pour que beaucoup d’échanges puissent se faire.

Malgré les efforts du délégué français, M. Queillé, qui apporte dans l’exécution de sa mission un dévoûment absolu au pays et une expérience consommée, acquise dans l’inspection des finances en France et en Algérie, la réforme du système d’impôts est loin d’être achevée. On en est toujours au régime turc, sauf que la dîme en nature a été convertie en un impôt fixe, réglé d’après la moyenne de la taxe perçue durant les trois dernières années. Il n’y a point, comme chez nous, de receveurs et de contrôleurs pour les contributions. Les villages paient collectivement à l’état l’impôt qui est perçu par le maire (kmète), sans quittance régulière, après qu’il a été réparti entre les habitans. De là beaucoup d’inégalités et d’irrégularités. On m’affirme que, par exemple, le district de Witddin est parvenu à dissimuler la moitié de son revenu imposable. L’impôt foncier, le verghi turc, comprend 4 par