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neiges, entraînent dans les vallées des alluvions où ces subies ferrugineux se déposent en mince couche noirâtre qu’on recueille par des tarages. Ils contiennent 60 à 70 pour 100 de fer magnétique. On les traite dans des fours catalans. Quand le Vitosch a eu beaucoup de neige, les dépôts sont plus abondons. En Suède, j’ai vu des lacs d’où on extrayait des dépôts ferrugineux de première qualité et du même genre. Les forges de Samakof obtiennent leur force motrice des eaux de l’Isker. Elles envoyaient leurs produits, employés surtout à faire des armes, dans toute la Turquie et jusqu’en Asie-Mineure. Leur production annuelle est encore d’environ 2,000 tonnes ; mais elle décroît parce que le fer anglais, bien meilleur marché, enlève leurs débouchés. L’exploitation des minerais de plomb argentifère deviendra une source de richesse quand les routes seront faites, car on en trouve de différens côtés dans les environs d’Elena et de Kustendil, dans les Balkans de Trojan et d’Etropole, et surtout près de Tschprovitza, où des mineurs saxons ont jadis exécuté des travaux dont on reconnaît encore les traces ; mais les exigences des Turcs les ont mis en fuite.

— Je porte au ministre d’Angleterre, M. Lascelles, la lettre que lord Edmond Fitz-Maurice du foreign office m’avait donnée pour lui. On m’introduit dans son cabinet de travail. Au moment où il entre, il me trouve examinant avec la plus vive attention une grande carte de la péninsule, où sont indiquées en couleur rouge très visible les limites de la Bulgarie créée par le traité de San-Stefano, et en couleur bleue moins apparente, les frontières fixées par le traité de Berlin : « Mes collègues prétendent, dit M. Lascelles, que je devrais enlever cette carte, parce qu’elle suggère des idées dangereuses et révolutionnaires. — Non, répondis-je, des idées justes qu’un prochain avenir réalisera ; mais en même temps, permettez-moi de l’ajouter, de profonds regrets du mal qu’à fait votre cabinet tory en annihilant les conditions obtenues par la Russie à San-Stefano. »

Le fait est que tout ce que je vois, tout ce que j’apprends ici me porte à maudire l’œuvre de lord Beaconsfield au traité de Berlin. Et dire que l’Angleterre l’a applaudie quand il est revenu, après avoir accompli ce crime de lèse-justice et de lèse-humanité ! En coupant la Bulgarie en deux tronçons séparés : la principauté et la Roumélie et en remettant la Macédoine sous le joug des Turcs, il a non-seulement sacrifié les populations chrétiennes à ce qu’il croyait être, très à tort, l’intérêt de l’Angleterre, mais il a fait une chose inintelligente, car il a préparé un champ toujours ouvert à l’influence russe qu’il voulait éliminer, et il a fait naître ainsi des causes de complications et de conflits pour l’avenir. En constituant la grande Bulgarie de San-Stefano, la Russie avait apporté à la question