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vendait les paroisses aux popes et les pauvres rayas avaient à rembourser tous les frais de cette échelle descendante de transactions simoniaques, Tous les évêques étaient des phanariotes ignorant et méprisant le dialecte national. Le grec était la langue du culte et le turc celle de l’administration. Dans les écoles, ou enseignait en grec ; dans les églises, les offices avaient lieu en grec. Les Bulgares, qui généralement ne savaient pas le grec, étaient ainsi privés de toute culture intellectuelle, et l’on put croire un moment que le pays s’était Complètement hellénisé. Le haut clergé était l’ennemi acharné du réveil national. Après que le gouvernement turc eut fait une loi pour obliger les communes à créer des écoles, les évêques phanariotes s’y opposèrent par tous les moyens. On cite, à ce propos, le mot de l’archevêque de Nisch : « Les écoles ne font que des hérétiques. Mieux vaut employer l’argent à bâtir des églises. » On affirme que le métropolitain de l’ancienne capitale, Tirnovo, fit brûler une admirable collection de manuscrits relatifs à l’histoire de la Bulgarie du VIIe au XVIe siècle, qui se trouvait conservée dans le trésor de la cathédrale. Il n’est point pour un peuple de pire destinée que de trouver dans les chefs de sa religion les ennemis de sa nationalité.

À la résurrection de la nationalité et de la langue bulgares se rattache le nom vénéré de l’évêque Sophronius, qui, le premier en ce siècle, se servit dans ses sermons de l’idiome populaire au lieu du grec. Il enseigna en bulgare dans sa ville natale, Kazan, pendant plus de vingt ans et fit naître ainsi l’idée de la patrie bulgare. Parmi les patriotes qui ont donné le branle au mouvement littéraire et national, on cite encore Pierre Béron, qui a publié des livres très utiles pour l’enseignement et est mort à Paris en 1871, et Rakowski, poète et historien, à qui l’on doit un poème sur les haidouks et des études sur les anciens tzars bulgares.

Les événemens de 1830, en éveillant les aspirations populaires fortifièrent la résistance à l’hellénisation. En 1835, s’ouvrit la première école où l’on enseigna en bulgare. Après la guerre de Crimée, les écoles bulgares se multiplièrent. On alla jusqu’à demander au patriarche de ne plus nommer que des évêques parlant la langue nationale et, en outre, d’admettre dans le synode supérieur quelques évêques bulgares. Ces demandes si justes ne furent pas agréées. Un refus aussi peu explicable provoqua une indignation profonde. Les évêques phanariotes furent chassés de leurs diocèses par leurs ouailles ; c’était une insurrection sur le terrain ecclésiastique. Le gouvernement turc, sous l’inspiration d’Ali-Pacha, favorisait alors le mouvement bulgare. Il voulait diminuer l’influence du patriarcat, qui, fort des droits obtenus jadis, à l’époque de la