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Morava ; ce tronçon devra être conservé, car il est le chemin le plus court vers un port d’embarquement sur le Danube. La vallée de la Morava est très ouverte jusqu’à Nisch, et les montagnes qui la bornent des deux côtés sont boisées et point abruptes. C’est, en des proportions un peu moindres, la vallée du Rhin entre Strasbourg et Bâle. La terre est riche et pas trop mal cultivée. L’assolement dominant est le triennal : froment ou seigle, maïs et jachères. Il en est de même presque partout, avec cette différence que, dans les parties fertiles, on cultive du maïs plusieurs années de suite et que, dans les terres ingrates, c’est la jachère qui est maintenue pendant un temps plus ou moins long. Les maisons d’habitation sont grandes et accompagnées de plusieurs dépendances, écurie, étable, gerbier à maïs, grange, le tout réuni dans une grande cour entourée de haies, où vaguent les animaux domestiques. Ces constructions sont ordinairement couvertes en chaume et faites en pisé ou en bois ; mais, blanchies à la chaux, elles offrent un aspect riant, parmi les arbres fruitiers qui forment un vrai bocage. Près de chaque village, on remarque, le long de la route, au milieu d’une grande prairie ouverte, un bouquet de vieux chênes qui fait bon effet dans le paysage. C’est là que se reposent et que peuvent brouter librement les troupeaux en voyage et les attelages de buffles et de bœufs. Chaque famille de paysans possède un petit domaine de 5 à 10 hectares et, en outre, des droits d’affouage dans les bois de la commune et de l’état. Les oies, les canards ou les poules sont très abondans, et le cultivateur n’a pas besoin de les vendre pour payer la rente. Propriétaire de son exploitation, il les mange lui-même ; il a la « poule au pot. »

Les chevaux de poste qui traînent notre voiture viennent tous de Hongrie. Le cheval serbe n’est pas plus grand qu’un poney ; il est laid de formes, mais très dur à la fatigue et aussi sobre qu’un mulet. C’est une bête de somme plutôt que de irait. Aussi le prix en est minime : de 70 à 150 fr, dans l’intérieur du pays. 300 fr. pour les meilleurs types. Le prince Michel désirait beaucoup améliorer la race chevaline. Il a fondé deux haras, l’un à Pazarevatz, l’autre à Dobritchevo, près de Tchoupria. Pour obtenir des résultats appréciables, il faudra du temps et le concours des cultivateurs eux-mêmes. Ce serait pour eux une source facile de profits. Sur la route, nous rencontrons un nombre incalculable de chars, de forme très primitive, traînés par une couple de buffles noirs et maigres. Les uns transportent au Danube des céréales, du froment et surtout du maïs ; les autres en rapportent du sel, du sel et toujours du sel, et parfois quelques ballots d’étoffes et de denrées diverses. Le mécanisme de l’échange se montre ici dans toute sa simplicité. Il ne s’applique qu’à un