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présidait l’assemblée, sans prendre part aux débals, que mon collègue et moi soutenions en son nom. Le 13 août, la discussion s’ouvrit sur un dernier amendement présenté par un membre de la chambre des nobles. Je me disposais à prendre la parole pour te combattre lorsqu’un huissier nie prévint que le roi désirait m’entretenir dans le salon qui lui était réservé. Je me rendis auprès de lui. Il me demanda si j’augurais favorablement de la tournure que prenaient les débats. Je lui répondis que je n’en attendais aucun résultat satisfaisant ; que l’amendement proposé serait peut-être accepté par les délégués, mais qu’il était inadmissible pour nous et ne tranchait nullement la question. Le roi s’enquit ensuite de ce que je pensais d’un projet qu’on lui avait suggéré et qui consistait à provoquer un ajournement de six semaines pour laisser le temps aux passions de se calmer et nous permettre de ramener à nos vues les délégués dissidens. Je dis au roi que je considérais ce plan comme impolitique et dangereux ; qu’au point où nous en étions, provoquer, ou même accepter un ajournement, c’était renvoyer dans les districts une opposition triomphante qui se présenterait aux électeurs comme défenseurs de leurs droits, et qui mettrait cet ajournement à profit pour organiser la résistance et achever d’entraîner l’opinion publique. J’ajoutai qu’au cas où le roi s’a prêterait ii ce projet, il serait indispensable de modifier son ministère et que, pour moi, j’estimerais ma présence dans le cabinet impossible.

Le roi m’écouta jusqu’au bout sans m’interromprez puis il me dit que, dans une entrevue qu’il venait d’avoir avec sa belle-sœur la reine Emma, elle avait soutenu la même thèse et développé les mêmes argumens : quant à lui, son parti était pris, il refusait tout compromis et était prêt à agir. Il nous priait de tenter un dernier effort, il attendrait le résultat du vote. Je rentrai avec lui. Le roi prit place au i au te u il et la discussion commença. La partie réservée au public était comble, les couloirs regorgeaient de monde. On sentait que l’on touchait à la crise, on attendait les événemens. L’amendement fut rejeté.

Le résultat du scrutin fut accueilli par un profond silence. Le roi se leva et s’adressant à l’assemblée :

« Depuis cinq jours, cet article fait l’objet de vos délibérations et il est devenu évident pour moi que la majorité des délégués se refuse à l’adopter. Dans mon opinion, cet article est le plus important de tous. S’il est rejeté, mon gouvernement cesse d’être une monarchie pour devenir une république. Je vous déclare donc qu’ici s’arrêtent vos travaux.

« Je remercie les délégués de leur empressement à répondre à