Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proclamation ses sujets à élire clos délégués spéciaux, chargés de discuter avec les nobles et lui une constitution nouvelle et me désigna, avec l’un de mes collègues, pour le représenter dans les discussions, porter la parole en son nom, exposer ses vues et soutenir ses idées. Un moment égarée par les accusations violentes que le parti américain dirigeait contre le roi et contre nous, affirmant que nous ne tendions à rien moins qu’au rétablissement du pouvoir absolu, à la suppression du droit de vote de la liberté de la presse, etc.. l’opinion publique subit dans une certaine mesure la pression de nos adversaires, et lorsque la convention s’ouvrit, le 5 mai 1864, les Américains ne mettaient pas en doute que le ministère ne fût bientôt obligé de se retirer et le roi de renoncer à ses projets.

Abandonnant la clause relative à la cession de l’archipel, clause impossible à soutenir et à justifier, c’était sur la question du suffrage universel que l’opposition entendait livrer bataille. Le roi était convaincu, ainsi que nous, que la république est le dernier mot du suffrage universel, et que la république aux îles n’avait aucune espèce de raison d’être. Les traditions monarchiques y étaient trop enracinées, les institutions républicaines trop peu goûtées et trop peu comprises des indigènes. L’article 62 de la constitution soumise par le roi à l’approbation des délégués substituait au suffrage universel un cens électoral restreint et exigeait certaines conditions de séjour avant d’obtenir la naturalisation. Les articles précédens furent vivement discutés, mais, sur aucun d’eux, l’opposition ne réussit à rallier la majorité. Sur celui-là seul elle avait concentré tous ses efforts. Le roi et ses représentai à la convention étaient, de leur côté, bien décidés à ne pas céder sur ce point, qu’ils estimaient le plus important de tous, aussi la lutte se poursuivit-elle pendant plusieurs jours avec une violence passionnée de la part de l’opposition et une persévérance obstinée de la part du gouvernement. L’agitation n’était pas moins vive au dehors que dans la salle des séances. Chacun sentait qu’une crise était imminente. Les uns s’étonnaient de la longanimité du roi et de notre patience, que l’on attribuait à la crainte que nous inspiraient les menaces de l’opposition. Les autres, convaincus de notre chute prochaine, en concluaient la défaite de la monarchie et voyaient poindre l’annexion. Les partisans de cette mesure, enhardis par leur succès, pleins d’ardeur, se croyaient soutenus au dehors et suppléaient à la force du nombre, qui leur faisait défaut dans le pays, par l’audace qui en tient souvent lieu.

Les amendemens se succédaient, successivement rejetés par les deux partis, qui ne voulaient entendre à aucun compromis. Le roi