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n’existent pas moins et elles sont évidemment la faiblesse du parti libéral devant le prochain scrutin.

Les conservateurs ont la chance d’être plus unis, de n’avoir pas eu encore le temps de s’user au pouvoir ; et ils sont de plus assez habiles pour savoir profiter de tout, des faiblesses de leurs adversaires, de leurs divisions, des excès d’opinion de M. Chamberlain et de ses amis. Les nouveaux tories ont la prétention d’être plus libéraux que les libéraux, de se prêter à toutes les réformes qui peuvent tendre au développement des droits du pays, qui sont dans l’esprit du temps. Ils se sont nettement prononcés pour une extension des libertés locales que le chef du cabinet, dans son manifeste de Newport, représente comme le moyen « d’intéresser directement et activement le peuple à la direction de ses affaires. » Ils sont assez disposés à faire à l’Irlande toutes les concessions compatibles avec la suprématie de la couronne, avec l’intégrité et l’unité législative de l’empire britannique. La politique intérieure que les conservateurs proposent peut être discutée, elle n’est pas, dans tous les cas, inconciliable avec le progrès moral et politique de l’Angleterre ; mais il y a un point sur lequel les conservateurs gardent un avantage auquel l’opinion anglaise peut n’être pas insensible. Depuis qu’ils sont au pouvoir, ils ont réussi, dans une certaine mesure, à dénouer ou tout au moins à atténuer quelques-unes des difficultés extérieures qui leur avaient été léguées par les libéraux. Ils ont pu régler, ne fût-ce que temporairement, avec la Russie la question de la frontière de l’Afghanistan, et, s’ils n’en ont pas précisément fini avec les affaires d’Egypte, ils ont du moins évité toute complication nouvelle. Avec cela auront-ils, dans le nouveau parlement, la majorité que les libéraux ont eue jusqu’au bout dans la dernière chambre des communes ? C’est justement la question qui va émouvoir, passionner l’opinion anglaise pendant quelques semaines, et qui sait si, pendant ce temps, il n’y aura pas eu dans le monde, des incidens qui pourraient avoir leur influence sur le scrutin d’où dépend la direction de la politique de l’Angleterre ?

On ne le sait que trop, les affaires naissent toutes seules, au moment où on n’y songe guère : témoin cette révolution de Bulgarie qui était dans la logique des choses orientales, tant qu’on voudra, dont on ne prévoyait cependant pas l’explosion à si courte date, et qui est nécessairement un embarras pour toutes les politiques, une épreuve assez délicate pour la paix générale elle-même. En un instant, on le sait, tout s’est trouvé accompli : un traité européen a été mis en suspens par une insurrection plus ou moins spontanée éclatant dans les Balkans. L’union de la Bulgarie, principauté à peu près indépendante, et de la Roumélie orientale, province soumise à l’empire ottoman, a été proclamée sans résistance apparente. Le prince Alexandre de Battenberg a cédé, sans