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la constitution loyalement pratiquée pouvait être une transaction acceptable et offrir un terrain de ralliement à tous les hommes de bonne volonté. Pourquoi est il aujourd’hui candidat, député conservateur ? C’est que les républicains ont été les premiers à violer la transaction et qu’ils se sont servis de la république pour assouvir leurs passions, pour précipiter le pays dans des crises nouvelles. Ce que disait M. Piou, il y a un mois, dans un discours où il résumait, en traits saisissans, le règne des républicains, sans mettre en cause les institutions, est un peu l’histoire de la France désabusée, plus impatiente peut-être de réparations que de révolutions nouvelles. Non, pour rester dans le vrai, les masses conservatrices qui sont allées au scrutin du 4 octobre, ne semblent pas avoir précisément voté contre la république ou pour la monarchie ; mais elles ont sûrement voté contre les imprévoyances et les fausses directions de l’expédition du Tonkin ; elles ont voté contre la dilapidation de la fortune publique ; elles ont voté pour la paix religieuse troublée par les sectaires ; elles ont voté contre la politique qui s’est manifestée dans ces œuvres, surtout contre les menaces des radicaux et contre les complaisans des radicaux. Elles ont tout bonnement obéi au plus simple sentiment de conservation. C’est le sens le plus vrai de ce vote qui, sans enlever la majorité aux républicains, leur a opposé cette force de près de deux cents conservateurs, dont l’élection est dans tous les cas un avertissement.

Quelle moralité, cependant, les républicains prétendent-ils tirer, de leur côté, de ces élections du 4 octobre ? Les républicains, il faut l’avouer, ont un peu perdu la tête. Ils ont frémi un moment en se voyant presque menacés dans leur domination, en sentant ce coup d’aiguillon d’un vote inattendu. Ils ont commencé par extravaguer passablement depuis quelques jours, par se démener en cherchant comment tout cela avait pu arriver, comment ils pourraient faire face au danger. Et quelles explications ont-ils trouvées ? Quels moyens ont-ils découverts pour se raffermir, pour se défendre contre le retour offensif du sentiment public ? Explications et moyens se ressentent certainement du trouble de leur esprit. Oui, vraiment, on ne s’en était pas douté, c’est ainsi pourtant. Si les instincts conservateurs se sont si énergiquement réveillés, si le pays a envoyé tant de monarchistes au parlement, c’est parce que la république n’a pas été jusqu’ici assez républicaine, assez radicale ; c’est parce qu’on n’a pas été assez exclusif, parce qu’on n’a pas assez épuré les administrations, la magistrature, parce qu’on n’a pas assez réformé, parce qu’on ne s’est pas assez hâté de supprimer le budget des cultes, d’abolir le concordat, parce qu’on s’est divisé. Le moyen, c’est de reprendre ce beau travail, de commencer par refaire, pour le scrutin du 18, cette alliance républicaine dont les radicaux se promettent de tirer parti : en sorte que plus le pays semble s’inquiéter de la politique de faction qui a tout compromis, plus les républicains éprouvent le besoin