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le Calvados, dans le Finistère, dans la Mayenne, dans la Charente, dans l’Indre, dans l’Aveyron, dans les Landes, dans le Tarn-et-Garonne, il n’y avait qu’une liste, les républicains ont marché d’un même pas, et les conservateurs ont eu le plus souvent une majorité considérable. Dans les départemens où opportunistes et radicaux sont divisés, les conservateurs ont presque toujours plus de voix que leurs adversaires séparés, et là où ils sont vaincus, là où ils sont en ballottage, ils suivent de près, quelquefois à mille ou cinq cents voix de différence, les républicains. À Paris même, dans cette ville de tous les contrastes et de toutes les fantaisies, qui se donne le plaisir de mettre à la tête de sa représentation M. Lockroy, M. Floquet, et qui a la chance de compter parmi ses prochains députés d’anciens membres de la commune ou un cabaretier du Nord, à Paris même, les conservateurs arrivent à un chiffre de près de cent mille voix : tant il est vrai que le mouvement est universel et sérieux ! Les républicains n’auront pas moins, sans doute, la majorité dans le nouveau parlement ; ils l’auront surtout probablement après le scrutin définitif qui va s’ouvrir dimanche prochain et pour lequel ils rallient fiévreusement toutes leurs forces, au risque de réunir pour un jour, sans choix, sans discernement, des ennemis de la veille qui redeviendront des ennemis du lendemain. Ils auront numériquement la majorité, ce n’est pas la question. Oui, sans doute, les républicains restent, par le droit des majorités, les maîtres, peut-être désormais les maîtres un peu embarrassés du pouvoir ; mais en même temps, si l’on nous passe le mot, le coup est porté, une étrange lumière s’est faite. La manifestation d’opinion conservatrice dont le scrutin du 4 octobre est l’expression concertée garde son caractère, sa force, et il reste ceci de clair, d’avéré, de positif comme un chiffre. À ne prendre que quelques départemens, il y a quelques années, les réactionnaires, — puisque ainsi on les nomme, — réunissaient dans le Nord 71,000 suffrages, ils viennent d’obtenir 162,000 voix ; dans le Pas-de-Calais, ils sont passés de 60,000 à 101,000 voix, — dans la Manche, de 38,000 à 58,000, — dans le Calvados, de 43,000 à 53,000, — dans le Cher, de 22,000 à 35,000. Dans la Gironde, le chiffre de toutes les oppositions était de 35,000, il a dépassé l’autre jour 60,000. En un mot, aux dernières élections, en 1881, les conservateurs avaient réuni 1,789,767 suffrages, ils comptent aujourd’hui plus de 3,500,000 voix. D’un seul coup, ils regagnent et au-delà tout ce qu’ils avaient perdu dans les scrutins qui se sont succédé depuis dix ans. Voilà le fait sensible, résumé en chiffres, qu’il faut d’abord constater et dont on ne saurait diminuer ni déguiser, par de captieux calculs, la sévère signification.

À quoi donc a tenu ce mouvement si vif, si général d’opinion qui vient de se déclarer par les élections du 4 octobre et quel en est vraiment le caractère, quelle en est la portée réelle ? Il n’y a que les es-