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de Scribe, s’efforcent d’enfermer la vérité dans leurs ouvrages. Avec l’auteur de la Visite de noces, il est plus d’un de ses contemporains dont les personnes tendres disent à peu près ce que la Béatrice de Shakspeare disait du comte Juan : « Je ne puis jamais le voir sans avoir une brûlure au cœur pendant une heure. » A défaut de la fantaisie, qui chez nous est rare, on peut se laisser rafraîchir par la convention.

Le général, le capitaine; la fille du général, la sœur du capitaine; le mari, uni à cette sœur; le séducteur enfin, voilà les pions que M. Deslandes fait manœuvrer sur l’échiquier. C’est justement de quoi jouer une partie classique. Le capitaine, qui occupe un emploi de jeune premier convenable à son grade, aime la fille du général qui, naturellement, est l’ingénue; il la demande en mariage; il est repoussé, pourquoi? Parce que le général a promis à sa femme mourante de ne jamais marier sa fille à un militaire. Sur ces entrefaites, un soir, dans le château du général, le séducteur rapporte à la sœur du capitaine des lettres imprudentes. Presque surpris par le mari, en s’échappant par la chambre de la fille du général, il perd un médaillon donné par la sœur du capitaine. Celui-ci, pour sauver sa sœur, reconnaît comme sien le médaillon trouvé. Il est accusé par le général d’avoir voulu compromettre sa fille pour forcer son consentement ; il en convient, il écrit la formule de démission qu’on lui réclame. Cependant sa sœur ne peut accepter un tel sacrifice ; elle fait confidence de la vérité au général. Ce dernier, au moment où le capitaine va signer la formule, lui ouvre ses bras et l’appelle son gendre : Much ado about nothing! All’ s well that ends well!..

La partie est bien conduite, par un homme au courant des usages du théâtre et qui sait faire entrer et sortir des acteurs et filer une scène; il prête, évidemment de bon cœur, à ses héros les sentimens commandés par leur emploi et par la circonstance, qui se trouvent tous avantageusement honnêtes; il leur fournit, pour les exprimer, un langage assez naturel et pourtant préparé avec soin : n’est-ce pas tout ce qu’il faut pour obtenir un succès? J’applaudis à cette réussite et ne me soucie pas d’imiter Malvolio, notre puritain de tout à l’heure, à qui Olivia reproche de « goûter les choses avec un appétit mal disposé. »

MM. Febvre et Worms, MMmes Baretta et Reichemberg, secondés par MM. Laroche et Baillet, ont traité avec honneur, au nom de la Comédie-Française, M. Raymond Deslandes, directeur du Vaudeville : on n’est pas courtois avec plus de talent. — Et, le soir de la première représentation, le comité a fait découvrir au public, dans le grand foyer, le clair et coquet plafond peint par M. Guillaume Dubufe.

Cependant l’histoire dira que, l’an III du Maître de forges, dans le second mois de la saison théâtrale, M. Koning, directeur du Gymnase,