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roi, qui désire voir son pays marcher d’un pas rapide dans la voie du progrès, s’attache de préférence à ce groupe des « libéraux. » En outre, comme tous les souverains, qui craignent les chocs que peut amener la situation actuelle de l’Europe, il a pour visée principale de fortifier son armée.

Le parti radical comprend deux groupes dont les tendances sont très différentes. Le premier se compose des paysans et des popes de la campagne, qui veulent conserver intactes les anciennes libertés locales et payer peu d’impôts. Ils sont par conséquent hostiles aux innovations des progressistes, qui coûtent de l’argent et qui étendent le cercle d’action du pouvoir central. Les ruraux serbes ressemblent en ceci et à ceux de la Suisse qui, par le referendum, rejettent impitoyablement toutes les mesures centralisatrices, et à ceux du Danemark, qui, dominant dans la chambre basse, refusent, depuis des années, de voter le budget trop favorable aux villes, d’après eux, et à ceux de la Norwège, qui tiennent en échec le roi Oscar, si aimé en Suède et si digne de l’être. La seconde fraction du parti radical est composée de jeunes gens qui, ayant fait leurs études à l’étranger, en ont rapporté des idées républicaines et socialistes. Leur organe était la Somouprava (l’Autonomie communale). Leur amour des ancienne» institutions slaves s’avive d’un enthousiasme étrange pour « la commune » de Paris. Dans un programme publié naguère dans un de leurs organes, le Seduacost, ils réclamaient la révision de la constitution afin d’arriver aux réformes suivantes : suppression du conseil d’état, division du pays en cantons fédérés, la magistrature remplacée par des juges élus, tous les impôts transformés en un impôt progressif sur le revenu, et au lieu de l’armée permanente, des milices nationales.

Si les élections sont libres, le parti des paysans doit l’emporter, car est électeur tout homme majeur payant l’impôt sur ses biens ou son revenu, ce qui équivaut à peu près au suffrage universel des chefs de famille. On compte 360,000 contribuables, dont environ les neuf dixièmes appartiennent aux campagnes. Mais quand le groupe radical urbain expose des idées révolutionnaires et socialistes qui n’ont guère d’application dans un pays où il n’y a ni accumulation de capitaux, ni prolétariat et où se trouve réalisé le principe essentiel du socialisme : « A tout producteur l’intégralité de son produit, » parce que la propriété foncière est répartie universellement et très également, alors les paysans prennent peur, et les avancés sont livrés sans défense à la merci du gouvernement, qui parfois use à leur égard de procédés de répression sommaire, rappelant trop l’époque turque, ainsi qu’on l’a vu récemment.

Je ne puis m’empêcher de croire que le parti progressiste, en